Ghana, le défi démocratique

Jérôme Perrot, correspondant au Ghana
22 Septembre 2013



Le 29 août dernier, la Cour suprême ghanéenne confortait John Dramani Mahama dans ses fonctions présidentielles suite à son élection contestée des 7 et 8 décembre 2012. Le recours devant la Cour suprême par Nana Akufo-Addo, leader de l’opposition, a constitué, ces huit derniers mois, un réel défi pour ce pays qui souhaite incarner un modèle démocratique en Afrique sub-saharienne. Décryptage.


Cérémonie d'investiture de John Dramani Mahama, le 7 janvier 2013 | Crédits photos -- AFP
Cérémonie d'investiture de John Dramani Mahama, le 7 janvier 2013 | Crédits photos -- AFP
Le 7 janvier 2009, l’élection du président John Atta-Mills avait démontré pour la seconde fois qu’une alternance pacifique était possible au Ghana. Le 24 juillet 2012, il meurt soudainement d’une maladie cardiaque. Alors que le vice-président, John Dramani Mahama, assure l’intérim, les Ghanéens sont de nouveau appelés aux urnes les 7 et 8 décembre 2012 pour départager les deux principaux leaders politiques : John Mahama pour le National Democratic Congress (NDC) et Nana Akufo-Addo pour le New Patriotic Party (NPP). Avec 50,70 % des voix pour John Mahama contre 47,74 % pour Nana Akufo-Addo, le successeur de John Atta-Mills est élu dès le premier tour de ce scrutin. Le 28 décembre, le leader du NPP ne tarde pas à contester et dépose aussitôt un recours devant la Cour suprême pour dénoncer les trop nombreuses irrégularités au cours du scrutin.

Huit mois d’enquête et de témoignages pour un verdict inédit

Ces huit derniers mois, les treize juges de la Cour suprême ont alors interrogé leaders politiques, présidents et agents de bureaux de vote afin de mettre en lumière toutes les irrégularités éventuelles. Le Dr Bayumia, candidat à la vice-présidence pour le NPP, a été le premier à témoigner en avril dernier pour dénoncer la manière dont le parti s’était, selon lui, fait « voler la victoire aux élections présidentielles » (Ghanaian Times, 17 avril 2013). Ce dernier a notamment fait porter à l’attention de la cour, la comptabilisation de votes sans vérification biométrique, de votes sans signatures, ou encore, dans certains bureaux, d’un nombre plus élevé de votes que d’électeurs enregistrés.

Avec cet audit, la Cour suprême s’est rendue compte de la présence de plus de 905 fiches électorales non signées et /ou dupliquées. Autant d’anomalies qui viennent pointer du doigt toutes les faiblesses de la commission électorale ghanéenne au cours de cette élection, mais aussi, plus généralement, toute la complexité que peut représenter la tenue d’élections libres dans un pays où la bureaucratie est encore en plein essor.

Après une dernière audition le 14 août, la Cour suprême a officialisé la tenue de son verdict pour le 29 août. Aussitôt, un appel au calme général a été lancé de la part du président Mahama, pour le NDC, le NPP, les chefs traditionnels et religieux et les médias. « Préserver la paix du Ghana », comme l’exprime le président John Mahama, (Daily Graphic, Ghanaian Times, The Enquirer, 23 juillet 2013) est alors devenu une priorité aussi bien pour le NPP que le NDC qui tous deux ont promis d’accepter le verdict du 29 août.

La démocratie au Ghana : l’objet de tous les espoirs

Dans les rues d’Accra, capitale du pays, le verdict occupe tous les esprits. Sur toutes les chaînes d’information, le jugement monopolise la quasi-totalité des programmes qui diffusent en boucle témoignages et appels à la paix sous forme de clips divers. Sur les ondes, entre deux rythmes de highlife, la radio participe à cette large propagande pacifique qui anime le pays. Dans la rue, les Ghanéens sont fiers d’expliquer aux étrangers que leur pays est « peaceful and non violent ». La plupart sont confiants et surtout conscients de l’importance de ce verdict pour l’image de leur pays.

La crainte d’une montée de la violence, à la suite du verdict, sonne pour les Ghanéens interrogés comme la volonté de préserver une démocratie qui a su ces dernières années garantir la paix dans le pays. Une relative stabilité qui permet au pays de bénéficier d’aides internationales, mais aussi de devenir en 2011 « le troisième pays africain récepteur d’investissements directs étrangers (IDE) » selon le rapport 2012 de la CNUCED sur l’investissement mondial (Info-Afrique.com). Aujourd’hui synonyme de développement pour la plupart des Ghanéens, la démocratie ghanéenne a su garantir un environnement favorable à l’essor de son économie. Difficile alors de ne pas comprendre où est l’intérêt des Ghanéens entre préserver la stabilité du pays ou s’acharner pour voir l’accession au pouvoir de leur favori.

Le 29 août, à 13 heures, la Cour Suprême a prononcé son verdict. Pour l’occasion, 30 000 policiers ont été déployés dans le pays pour éviter tout débordement. Le recours électoral du NPP déclaré invalide, John Mahama est conforté dans ses fonctions de président. La Cour suprême rend alors publique la décision de chaque juge comme preuve de la transparence du processus. Aussi vite, Nana Akufo-Addo félicite son rival afin « d’aller de l’avant dans l’intérêt de la nation » tandis que John Mahama s’empresse de souligner que cette victoire « n’est pas celle du NDC mais celle de tous les Ghanéens » (Daily Graphic, 30 août 2013). Aucun trouble, aucun rassemblement. Dans les rues d'Accra, des drapeaux ghanéens, un peu plus nombreux que d’ordinaire, flottent. Au lendemain du verdict, le Ghana se réveille fier de cet exploit. Si l'enquête de la Cour suprême a mis en évidence des irrégularités flagrantes, admises par tous, la transparence de l’enquête a permis à la démocratie ghanéenne de prendre conscience de ses faiblesses et de sortir fortifiée de cette affaire qui pourrait conduire à une nouvelle réforme électorale.

Barack Obama avait, en 2009, choisi le Ghana pour son premier déplacement en Afrique. Il célébrait ainsi une démocratie solide de deux alternances réussies en 2000 et 2008. Nul doute alors que les évènements de ces derniers mois ne feront que conforter l’image d’un pays pacifique et stable, modèle démocratique en Afrique. Une réputation dont le Ghana compte bien profiter afin de « booster » son développement économique.


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