Grand Stade de Lyon : véritable utilité publique ou conflit d’intérêt ?

Pierre Gerbeaud
4 Janvier 2013



En juin 2016, la France accueillera l’Euro de football. Neuf villes ont été retenues pour l’occasion : Saint-Denis, Paris, Marseille, Lille, Lens, Nancy, Bordeaux, Nice et Lyon. Si pour Saint-Denis, Paris, Marseille, Lens et Nancy, il s’agit simplement de rénover le stade actuel, les autres villes ont pris la décision de construire un nouveau stade avec plus ou moins de difficultés. Parmi ces projets, celui d’OL Land est le plus remis en question.


Grand Stade de Lyon : véritable utilité publique ou conflit d’intérêt ?
Avant de s'attarder sur le projet spécifique à Lyon, il faut déjà faire un constat. Au niveau des infrastructures sportives, la France est loin derrière ses voisins européens, à commencer par l’Allemagne qui dispose de beaucoup plus de stades et de salles modernes.

Jean-Michel Aulas, président de l’OL, veut s'inspirer du Bayern Munich et de son stade inauguré en 2005, l’Allianz Arena. Ce stade, d'un coût de 340 millions d’euros, a été co-financé par les deux clubs de Munich (le Bayern et Munich 1860) ainsi que par l’assureur Allianz, finançant une grande partie du stade, et lui donnant son nom. Cette action dite de naming est de plus en plus répandue en Europe ; on le voit notamment à Londres avec le stade d’Arsenal au nom d’une compagnie aérienne du Moyen-Orient, la nouvelle salle de Rouen au nom de célèbres chocolats ou encore le stade de rugby lyonnais.

OL land ?

Pouvant accueillir 60 000 personnes, il deviendrait le troisième plus grand stade de France derrière le Stade de France (St Denis) et le Stade Vélodrome (Marseille). Accueillant 3000 m² de bureaux, d'hôtels, centre de loisirs divers, un musée et le centre d’entraînement du club, le tout pour un coût total estimé à 450 millions d'euros. Du 5 étoiles sur le papier.

Mais là où certains voient une innovation tant attendue, des contestations se font entendre. Elles se concentrent sur un point : les infrastructures nécessaires à un acheminement sur une courte période des clients; puisque OL Land est un projet privé, doivent-elles être financées par l’Etat ? La contribution des collectivités dans ce projet est estimée dans un premier temps à 168 millions d'euros. L'entrée en bourse et le cours de l’action OL Groupe a considérablement chuté, affaiblissant les comptes du club dirigé par M. Aulas. Les résultats ne sont plus les mêmes que pendant l’époque glorieuse du début des années 2000. En partie à cause des erreurs de recrutement qui se sont multipliés ces dernières années. A tel point que le club ne s’est pas qualifié cette année pour la rentable Ligue des Champions se séparant de ses meilleurs joueurs.

Le club a donc dû trouver de nouveaux moyens pour faire entrer de l’argent. Il s’est ainsi retrouvé à vendre la moitié du projet au géant du BTP Vinci, qui s’engage à hauteur de 100 millions d'euros. A cela, il faut ajouter une contribution du Conseil général du Rhône à hauteur de 40 millions d'euros… Etrange pour un club qui voulait assumer seul la construction du complexe. Sans compter que des recours ont été déposés devant la justice, dont un a été accepté sur le coût du terrain. En effet, le terrain sur lequel le stade s’élèvera, s’il s’élève, a été vendu bien moins cher que ce qu’il aurait dû coûter.

Nul doute que cela va compliquer les affaires d’un club qui a de plus en plus besoin d’argent pour un projet qui devrait être inauguré le 8 décembre 2013 et qui n’a toujours pas vu sa première pierre posée.

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1.Posté par john le 05/01/2013 17:30
Je ne sais pas d'où l'auteur de cet article parle : est-il favorable ou opposé au projet OL Land, est-il tout simplement un journaliste qui tente d'informer au mieux ses lecteurs ?
Pour ma part, je suis une personne qui ne voit pas d'un très bon œil ce projet. Pour autant, j'accepte d'entendre les arguments des porteurs du projet, dès lors que le point de vue et les arguments des opposants reçoivent également l'accueil qu'ils méritent. Le tout étant donc que le débat contradictoire entre les idées puisse être instauré. Les valeurs premières qui président à ce débat devant être l'honnêteté et l'intégrité. Autrement dit, pas de coup bas, pas de déformation de la vérité, pas d'arguments fallacieux. Les journalistes, qui jouent un rôle important de passeurs d'idées et d'informations, font nécessairement partie de ce débat et, de fait, sont soumis à ses règles - en théorie, je sais, il y a doublon avec les règles de déontologie de la profession...
Malheureusement, la réalité est tout autre. Exemple, le présent article. Arrivé à la fin de sa lecture, je ne peux m'empêcher d'avoir la réflexion suivante. De deux choses l'une :
- soit le journaliste est un incompétent, qui ne prend même pas la peine de connaître son sujet ; ce qui est grave.
- soit il est malhonnête ; ce qui est pire.

En effet, comment peut-on, en si peut de lignes écrire autant de conneries et être si peu pertinent ?
Pourquoi laisser croire que les 40 millions d'euros du conseil général constituent un complément de financement portant la somme totale des financements publics à hauteur de 228 millions d'euros (168+40), alors qu'ils correspondent en réalité à une garantie. Certes, le conseil général prend un risque, mais est-il si difficile de ne pas déformer la vérité, et au passage, histoire de mesurer le sens de cette garantie, de comparer ce soutien à tous les autres outils d'aides aux entreprises (les garanties sur emprunts en font partie) mis en place par les collectivités territoriales ?
Comment peut-on écrire que le recours "sur le coût du terrain" a été "accepté", alors que le jugement ne sera connu que le 10 janvier prochain ? L'auteur de l'article ne connaît-il pas la différence entre l'avis du rapporteur publique et le jugement ?

Où est le lien entre le titre - pour le moins racoleur - et le contenu de l'article ? De quel conflit d'intérêt parle-t-on, au sujet de quelle personne (ou institution) ? Les seuls faits que le club ne semble pas avoir les moyens de financer seul son projet et que les collectivités publiques aient décidé de s'investir plus à ces côtés suffisent-ils à révéler un conflit d'intérêt ? L'"utilité publique" - puisque cette expression est utilisée - du projet en sort-elle affaiblie ? L'auteur ne sait-il pas que le droit reconnaît depuis bien longtemps la possibilité aux projets privés d'être reconnus d'utilité publique (arrêt CE, 20 juillet 1971 Ville de Sochaux) ? Ne sait-il pas que l'utilité publique ne se mesure pas qu'à l'aune des engagements financiers des uns et des autres ?


Bref, au final, un article qui disqualifie le journalisme et également les opposants au projets qui n'ont rien trouvé de mieux pour défendre leur cause que de le mettre en avant.

Ne serait-il pas plus pertinent, pour le journaliste qui veut défendre sa thèse (un projet dont l'utilité publique n'est pas avérée et qui transpire les conflits d'intérêts) : d'analyser les motivations des uns et des autres à aider le projet (là, il faut faire une enquête, interviewer des gens !) et d’étudier les arguments mis en avant par les promoteurs du projet (en résumé : moteur économique, développement urbain, mise en valeur du paysage et exemplarité dans le domaine des actions environnementale) et, d’en faire la critique en s'appuyant sur la littérature scientifique dans ces domaines (elle existe).
En l’espèce, il serait intéressant de :
- voir comment et pourquoi le système de desserte du stade en transport en commun tel que décidé n’est d’aucune utilité pour les habitants et autres usagers du secteur et qu’il ne vient aucunement améliorer la desserte et le fonctionnement général de l’Est Lyonnais
- voir que les arguments environnementaux et écologiques mis en avant procèdent d'une simple stratégie de greenwashing et que c’est le minimum que de vouloir réduire au maximum les impacts environnementaux
- voir combien les arguments relevant du développement territorial et économique procèdent du discours dominant - et générique - sur le rayonnement métropolitain, transformé en mythe, car il y a bien longtemps que l'on ne s'attache plus a interroger les arguments qui le fondent
- voir comment en France (notamment), le discours sur les vertus et les retombées positives des grands stades a été tricoté et placardé partout par le lobby du football, pour le transformé en discours "officiel" "et de vérité ; voir comment et pourquoi ce discours est également un mythe
- voir (en regardant, sur les phases investissement et également exploitation qui finance et qui bénéficie des retombées économiques) comment et pourquoi les grands stades de football qui requièrent un investissement public (et c'est le cas d'OL Land au travers des infrastructures de desserte et du prix de cession des terrains d'assiette du projet) n'échappent pas au modèle « collectivisation des coûts – privatisation des bénéfices ».
Une réflexion sur les modalités de prise de décisions en matière d’action publique serait également intéressante : que révèle la manière dont le choix du projet a été fait (où, comment, combien), au regard des discours en vigueur sur les modes de gouvernance de la métropole ? Que veut dire réellement « concertation » ? Quel poids donné à l’opinion des citoyens qui s’expriment dans le cadres des procédures de concertation et enquêtes publiques réglementaires ?


Mais tout cela nécessite en effet un travail de journalisme. On part de loin…

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