Inde : la Cour Suprême offre le vote négatif aux électeurs

Ramalingam Va, traduit par Maxence Salendre
7 Octobre 2013



La Cour Suprême indienne vient d’ordonner à la Commission électorale d'offrir aux électeurs le choix du vote négatif. Cette obligation a été imposée suite à la pétition signée par la People’s Union for Civil Liberties (« Union du Peuple pour les Libertés Civiques », NdT) qui s’est appuyée sur l’exemple de nations occidentales telles que la France ou les Etats-Unis.


Crédits photo -- Getty
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Les juges dirigés par le Chief Justice (en français : Juge en Chef, NdT) P. Sathavisam ont ainsi déclaré que « la provision du vote négatif permettrait à l’électorat d’envoyer un signal clair aux partis politiques et à leurs candidats ». En Inde, la plupart des élections sont conduites en utilisant des machines de vote électronique. Cette décision de la Cour Suprême oblige donc la Commission électorale à inclure une option « aucune des propositions susmentionnées » (None Of The Above - NOTA, de son acronyme anglais, NdT) en bas de chaque bulletin électoral comprenant la liste des noms des candidats.

Système actuel

Le système électoral indien actuel n’offre pas la possibilité aux citoyens de déposer un vote négatif ou neutre. Ils peuvent cependant s’abstenir de voter en remplissant le formulaire 17-A mis en place par l’article 49-O. Bien que la connaissance de cet article se soit répandue comme une traînée de poudre parmi les jeunes électeurs lors des précédentes élections du Lok Sabha (la Chambre basse du Parlement Indien, NdT), elle n’a guère été utilisée. L’article requiert en effet que l’électeur contacte l’officier du bureau de vote et demande un formulaire 17-A ce que la Cour Suprême a jugé attentatoire au secret du vote, un élément primordial de toute démocratie. « Qu’un électeur décide ou non de voter, dans les deux cas le secret doit être maintenu », a statué la Cour.

Une décision bienvenue par la Commission électorale

La Commission électorale a accueilli cette décision de la Cour Suprême et a reconnu que l’article 49-O ne respectait pas le droit au secret des électeurs. Un cadre de la Commission, interviewé par l’Hindu Times, déclarait toutefois : « Il sera très délicat de mettre en place la décision de la Cour Suprême. Le principal rôle de la Commission électorale est d’effectuer des sondages et d’encourager les électeurs à venir voter massivement pour que la démocratie puisse se perpétuer. Si nous lançons des campagnes à grande échelle pour promouvoir le NOTA, l’objectif sera annulé et les instituts de sondages donneront aux électeurs l’impression de leur demander de ne pas voter. Nous ne pouvons cependant pas rester silencieux et ne pas communiquer autour de l’existence du nouveau choix ajouté. »

Réactions de la communauté politique

Les réactions des partis politiques étaient plus diversifiées. Narendra Modi, le candidat du Bharatiya Janata Party (BJP, Parti du Peuple Indien, de tendance nationale-hindouiste, NdT) au poste de Premier ministre a déclaré que cette décision « rendrait les partis politiques plus responsables ». Bien que le BJP n’ait publié aucune déclaration officielle, M. Modi a pu donner son avis sur son blog. Le Congrès actuel n’a pas commenté la décision et a déclaré qu’il réagirait une fois avoir lu les décisions et le verdict de la Cour Suprême. Les partis de gauche en revanche ont considéré cette décision comme « un pas en avant mineur pour la réforme électorale ».

Ils ont aussitôt ajouté que les débats concernant la réforme électorale devraient être menés au Parlement. M. Modi, tout en acclamant ce verdict, a défendu la proposition d’une réforme similaire qu’il avait conduit dans son Etat du Gujarat. Il a maintenu que son gouvernement tentait de mettre en place des lois relatives au droit de ne pas voter et au vote obligatoire dans cet Etat mais que l’actuel gouverneur du Gujarat n’avait pas donné d’accord favorable bien que l’Assemblée de l’Etat ait validé le texte. Les lois en Inde doivent en effet recevoir l’assentiment du Gouverneur et du Président tant au niveau des Etats qu’au niveau national.

Réaction de la population

La réaction du public envers cette décision a été largement positive. V.N. Pal, professeur de mathématiques engagé dans le combat pour l’introduction de cette réforme s’est réjoui de son adoption. Le professeur Pal faisait partie des signataires du contentieux d’intérêt public (PIL) établi en 2004 en faveur du NOTA. Il a ainsi déclaré dans le Times of India que la décision constituait « un verdict majeur que j’accueille personnellement avec grande satisfaction.C’est une décision que j’ai attendue pendant neuf ans. Il me semble que c’est également l’une des meilleures manières de protéger la démocratie et les droits des citoyens. Cela contribuera certainement à nettoyer la classe politique indienne de ses éléments corrompus et malveillants ».

Il a également ajouté, que « la pétition prétendait aussi que les candidats qui sécurisaient moins de votes que le NOTA ne devraient pas pouvoir se représenter dans le futur. De la même manière, si tous les candidats sont rejetés par une majorité de votes NOTA, les élections devraient être déclarées nulles et de nouvelles élections devraient être organisées. Les candidats rejetés ne doivent évidemment pas être autorisés à se représenter. »

L’un des articles du Daily News Analysis déclarait récemment qu’il serait difficile de trouver des électeurs assez courageux pour aller voter NOTA lors des fortes chaleurs. Le journal ajoutait que les gens sont généralement fainéants lorsqu’il s’agit de sortir pour aller voter. Selon eux, le système électoral est en ruines et cette décision de la Cour Suprême aurait des conséquences désastreuses sur les élections puisqu’elles ne serviraient plus leur objectif premier à savoir l’élection d’un candidat. Le journal était cependant confiant sur le fait que le jugement de la Cour Suprême ne changerait pas vraiment la donne malgré leur volonté de fournir un vaste choix possible aux électeurs.

Bien que les réactions à cette décision aient été diverses, le jugement de la Cour Suprême constitue un important pas en avant envers la tenue d’élections justes et équitables exprimant réellement la volonté des électeurs. La réforme électorale en Inde a commencé. Faisons en sorte qu’elle continue sur la même voie.


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