Karim Boukercha, une bombe de plume

Nedjma Falek Amrani
9 Avril 2014



Vous avez certainement du croiser ces peintures faites à la bombe où que vous soyez. Tags, graffitis, sont souvent assimilés à «  dégradation de biens publics ». Mais qui n’a jamais pris une table d’école comme espace à s’approprier et à personnaliser ?


Crédit BETC
Crédit BETC
Laisser une trace de notre passage, ou juste dessiner parce que l’on aime sentir le stylo glisser sur le support, un support à disposition de tous qui prend rapidement des airs d’œuvre d’art collective. Le mystère derrière cet art urbain, je l’ai découvert dans Descente Interdite, un livre objet, aussi passionnant que surprenant par ces témoignages de tagueurs qui font l’histoire du graffiti dans le métro parisien. Outre l’écriture, ce qui trouble dans cet ouvrage, c’est surtout la minutie du travail de recherche, le souci de la précision guidé par la passion de la bombe.

Une passion que Karim Boukercha transmet surtout en humanisant ses peintures sur toile sauvage souvent considérées comme anonymes, en mettant des noms sur les artistes. Mais la plume de Karim ne fait pas que taquiner l’édition, elle chatouille aussi la pellicule, le cinéma. Il participe à l’écriture de Notre Jour Viendra réalisé par Romain Gavras et du Capital de Costa Gavras. Afin d’en connaître plus sur cet artiste touche-à-tout, nous lui avons soumis quelques questions…

« Le graffiti n’a pas trouvé sa place, il l’a prise »

Le Journal International : Avant de te consacrer à l’écriture, tu as été graffeur. L'endroit de ton premier graffiti avait-il une signification particulière ?

Karim Boukercha : Non pas particulièrement. En général les gens se mettent à graffer à côté de chez eux. Ce que j’ai fait…

JI : Dans Descente Interdite ou encore Wild War, tu mets bien en relief la singularité de chaque artiste. As-tu pensé à étudier l’évolution de la calligraphie dans le milieu du graffiti ?

KB : Je n’ai jamais étudié spécifiquement l’évolution des calligraphies mais évidemment en connaissant très bien le parcours et les caractéristiques des artistes que je faisais parler, j’ai une bonne vision de ce domaine. Le graffiti est avant tout une histoire de lettrage. Tu ne peux pas en parler si tu ignores tout ce qui s’y rapporte.

JI : Penses-tu que le graffiti a aujourd’hui trouvé sa place dans le paysage et dans la société ?

KB : Le graffiti n’a pas trouvé sa place, il l’a prise. Et ensuite la société l’a intégré. Le graffiti est avant tout un phénomène de société. Des humains qui écrivent sur les supports des grandes villes anonymes et impersonnelles…

JI : Dans Descente Interdite, tu retraces le parcours de plusieurs graffeurs. Par quoi est motivé selon toi le fait de graffer ?

KB : Le désir d’exister et de vivre des aventures en marge du commun des mortels.

JI : En Italie, la quasi-totalité des rames de métro sont taguées. Cet art fait aujourd’hui partie de la ville et de son esprit. Pourquoi selon toi, les graffitis dans le métro parisien ne sont-ils pas tolérés ?

KB : En Italie, ça n’est pas une volonté du gouvernement ou de la société de transport de laisser proliférer les graffitis mais un manque de moyens et d’infrastructures. C’est exactement le même cas de figure à New York avant que la ville ne décide de réagir.

JI : Tu es en pleine écriture de ton prochain livre, que peux-tu nous en dire ?

KB : C’est l’histoire des brigades anti-graffiti. Une autre manière de raconter l’histoire du graffiti sous un angle inédit.

« Notre jour viendra était mon premier scénario »

JI : Quand as-tu découvert ta passion pour le scénario et l’écriture ?

KB : C’est venu tout seul. Plus jeune je n’aurais jamais pensé écrire. J’ai fait du graffiti (qui avec le recul était déjà écrire), puis comme j’étais curieux, un ami qui tenait un magazine de rap m’a proposé de faire des interviews avec lui. De fil en aiguille j’ai retranscrit les interviews, puis j’ai écris des petits textes, et enfin j’ai monté mes propres magazines. De là, Romain Gavras qui était fan d’un de mes deux mag’ (Tant pis pour vous), m’a proposé d’écrire avec lui son premier long métrage, Notre jour viendra. A côté de ça le graffiti en tant que médium a cessé de m’intéresser, mais j’en étais toujours passionné. Je me suis donc lancé dans les livres sur le sujet.

JI : Avant d’écrire les scénarios du Capital et de Notre Jour Viendra, as-tu travaillé sur d’autres projets ?

KB : Non, Notre jour viendra  était mon premier scénario. Entre les deux il y a eu une comédie satirique sur le monde du rap qui n’a pas vu le jour.

JI : Outre les DVD réalisés pour Wild War, as-tu déjà pensé à un projet de film traitant la question du graffiti ?

KB : Oui. Que je ferais surement bientôt.

Si tu étais...

Crédit DR
Crédit DR
JI : Un graffiti ?

KB: Une peinture sur un métro new-yorkais. Aucune précisément. Enfin elle varierait selon mon humeur. Belle comme pas belle…

JI : Un livre ?

KB : Descente interdite. Sans égo déplacé, ce livre est vraiment celui que j’aimerais être. Tout ce que j’y trouve dedans me correspond parfaitement.

JI : Le scénario d'un film ?

KB : Rocky. Populaire mais loin d’être dénué de sens…

JI : Une musique ?

KB : Une composition d’Ennio Morricone. Comme pour le graff, aucune précisément.

JI : Un artiste ?

KB : Azyle.

Notez