La SADC tape du poing à Madagascar

Jean Baptiste Auduc, correspondant à Madagascar
15 Mai 2013



La feuille de route (FdR), signée en 2011 par les acteurs politiques de l’Ile, donne les grandes étapes de la transition. Jusque-là, elle avait laissé l’espoir d’une résolution de la crise qui sévit la scène politique malgache. Cependant, malgré son exécution dans les délais, la FdR laisse désormais perplexe. Notamment par la différence flagrante entre le texte et l’application de ce texte.


Andry Rajoelina (Photo: EPA)
Andry Rajoelina (Photo: EPA)
Du 8 au 28 avril, les candidats déposent leur dossier. Du 28 avril au 3 mai, la Commission électorale spéciale (CES) tranche pour chaque candidat. Une fois la liste des candidats dévoilée, la campagne présidentielle peut commencer, dans l’apaisement. Derrière cette partition de musique harmonieuse, trois fausses notes détonnent : les dossiers des trois principaux candidats auraient dû être refusés.

C’est ce que pointe un appel de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui supervise la transition depuis la signature de la FdR. Samedi 11 mai, elle a demandé le retrait des 3 candidats problématiques : Ratsiraka, Ravalomanana et Rajoelina. « Le sommet a exhorté Andry Rajoelina, l'ancien président Didier Ratsiraka et Madame Lalao Ravalomanana à réfléchir au retrait de leurs candidatures au nom de la paix et de la stabilité à Madagascar », déclare-t-elle. Ce blâme reste lettre morte. Aucun au sein du trio ne semble vouloir se plier à l’injonction. Chacun à ses - petits - intérêts. Andry Rajoelina se présente contre Lalao Ravalomanana par peur d’un retour de son mari, Marc. Les Ravalomanana ne veulent pas se retirer, craignant de laisser la place au président de Transition, Rajoelina. Didier Ratsiraka, quant à lui, se porte candidat malgré ses 77 ans et ses 10 ans d’exil. La CES a préféré laisser le choix aux électeurs, et ne pas refuser de dossiers. Même les plus atypiques. D’après la tribune de Madagascar, un site internet d’informations, Andry Rajoelina aurait déposé sa candidature par un texto envoyé à M. Rajaonarivony, président de la CES.

La fin de la Transition, signe de fin de crise ?

Les grands intervenants (Union Européenne, Nations-Unies, Commission de l’Océan Indien...) restent d’accord sur la mise à exécution de la FdR. Ils se sont rencontrés dimanche 12 mai, en présence de Béatrice Atallah, présidente de la CENIT, un organisme indépendant de Transition. L’UE, par la voix de l’ambassadeur Leonidas Tezapsidis, a déclaré : « Si elles sont crédibles [les élections] seront un bon début, un passage nécessaire pour le retour à l’ordre constitutionnel ». Pas d’illusions cependant. Les superviseurs ont conscience que les élections ne résoudront pas les problèmes structurels de l’Ile.

ONU, UE et SADC mises cependant beaucoup sur une régularisation de la situation politique. Ainsi, l’économie insulaire, pour le moment sclérosé, pourrait lécher ses blessures. Cette transition a déjà coûté la somme astronomique de 6.3 milliards de dollars d’après la Banque mondiale. Sans oublier les perspectives de croissances évanouies, le tourisme en chute libre, les investissements étrangers inexistants.

Dernière plaie en date, le criquet. Depuis 2009, des essaims forts de milliards d’individus envahissent le sud du pays. Sans argent, et sans volonté, depuis la Transition, les pouvoirs publics n’ont pas pu intervenir. Le cyclone Haruna a mis en place les conditions humides pour un développement des larves. L'infestation menace actuellement 60% de la production rizicole malgache. Cette denrée est l’aliment de base à Madagascar. Les risques de famine grandissent. L’immobilisme de la Transition y est pour beaucoup.

Derrière ce feuilleton médiaticopolitique, au cœur de cette tragicomédie électorale, se trouvent des hommes, des femmes et des enfants. Or comment être concerné par la vie politique quand manger est une difficulté, et survivre, un combat contre la nature ?

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