La SISA, nouvel assassin du peuple grec ?

25 Mai 2013



Nouvelle drogue présente en Grèce, la SISA, ou « cocaïne du pauvre » fait des ravages auprès de la population. Mélange de méthamphétamine, de détergent et de liquide de batterie, cette nouvelle drogue amène les consommateurs aux comportements les plus violents. Retour sur ce nouveau fléau qui sévit sur le territoire hellénique.


La SISA, nouvel assassin du peuple grec ?
Depuis les années 80, les toxicomanes côtoient les touristes dans les rues du centre ville d’Athènes, plus particulièrement autour de la place Omania. Depuis quelques années, la drogue la plus répandue était l’héroïne. Mais une nouvelle drogue a fait son apparition : la SISA. Une drogue bien moins chère que l’héroïne (2-3 euros le gramme pour la première contre un prix allant jusqu’à 20 euros le gramme pour l’héroïne), mais bien plus ravageur : la SISA est un mélange de méthamphétamine, de détergent et de liquide de batterie…

Les rumeurs dans les rues disent que la drogue peut tuer en l’espace de 3 mois seulement. Selon l’Observatoire national des drogues, 3 mois de consommation intensive de cette substance équivalent à dix-huit mois de consommations très intensives d’héroïne par intraveineuse. La drogue provoque des troubles spatio-temporels (c’est-à-dire une perte des notions de temps et d’espace), de longues périodes d’insomnie, des éruptions cutanées (un peu comme le krokodil, la drogue russe qui a fait un ravage monstrueux entre 2010 et 2011) et des accès d’extrême violence. « Cette drogue tue mais te donne aussi envie de tuer. Tu peux tuer une personne sans même comprendre ce que tu es en train de faire », explique un toxicomane. 

Cette drogue se popularise dans les quartiers pauvres de Grèce à cause de son bas prix. Seulement, ses effets pervers ne se limitent pas à la destruction de la vie d’une personne : des cas de prostitution de jeunes femmes en échange de SISA ont été détectés, et des meurtres sous l'emprise de cette drogue sont apparus dans la rue. Le problème est que les autorités sanitaires n’ont encore pas trouvé un moyen de substitution : le Subutex est une drogue de substitution pour l’héroïne mais n’a aucun effet pour la SISA, et pire, cette dernière n’apparait pas dans les tests toxicologiques. L’organisme Médecins du monde a constaté une nette augmentation de consommation de drogues dures chez les personnes sans domicile fixe. En 2009, l’Observatoire National des drogues grec a fait le bilan d’une augmentation de 20% de consommateurs d’héroïnes avec une croissance exponentielle prévue. Mais aucun chiffrage n’est possible pour la « drogue du pauvre », seulement une constatation des dégâts est faite.

Les autorités grecques ne sont pourtant pas inactives. Cependant elles ont les mains liées du fait de la crise : un tiers des centres de traitement et de prévention de la toxicomanie ont dû fermer (puisqu’ils n’avaient plus de financements de l’Etat) alors que les acteurs de la santé grecque ont constaté une énorme hausse du nombre de toxicomanes dans le pays. En 2011, l’Okana, centre de substitution géré par un organisme dépendant du ministère de la Santé, avait prévu 46 millions d’euros pour leur budget. Ils ont seulement reçu 29 millions.

Face à ce fléau les pouvoirs publics semblent donc bien démunis. D’ailleurs, jusqu’à aujourd’hui ils se sont contentés de déplacer le problème en éloignant les toxicomanes du centre ville. D’après les témoignages, des SDF sont déportés par cars entiers du centre d’Athènes jusqu’au camp de rétention d’Amigdaleza, où ils sont détenus des heures pour de simples contrôles d’identité puis relâchés à des dizaines de kilomètres d’Athènes, qu’ils doivent rejoindre à pied.

Enfin, le contexte politique n’arrange rien : cette drogue attise aussi les sentiments nationalistes et le racisme. Pour cause, les recherches montreraient que les dealers de SISA seraient des immigrés d’Iran, Irak, ou d’Afghanistan. De plus, la toxicomanie des jeunes migrants est visible en pleine rue, et l’Observatoire National des Drogues constate une corrélation entre immigration massive et hausse de la consommation de la drogue en Grèce. Cela s’expliquerait par le fait que le pays n’arrive pas à gérer les problèmes auxquels fait face sa population, et auxquels il doit faire avec les plans d’austérités de la Troïka ( Les experts représentant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fond monétaire international qui sont chargés de surveiller l’état de l’économie grecque depuis 2010).

En somme, après la crise économique et sociale, et la montée des partis extrémistes et de la violence, la Grèce doit maintenant faire face à une recrudescence de consommation de drogues, en particulier d'une drogue encore non contrôlable, la SISA. Un enfer qui continue pour le pays de l’Acropole et d’Apollon. 
Après le krokodil, l’oxidado (drogue brésilienne) et la tianeptine (drogue française de 1984 à 2002, initialement un médicament utilisé comme antidépresseur), la SISA fait trembler le monde occidental et fait un ravage chez les toxicomanes des quartiers pauvres de la Grèce.

 L’Europe doit-elle s’attendre à une émergence des drogues dévastatrices (par leurs faibles coûts et leur composition ravageuse), également présentent dans les pays émergents ?

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Nathan Lautier
Ex-rédacteur en chef du Journal International. Etudiant en science politique à l'université Lyon 2,... En savoir plus sur cet auteur