Le squat : une alternative au logement

Tristana Perroncel
14 Mars 2015



Londres fleurit d’un dynamisme qui fait rougir sa voisine Paris. Bémol dans cet épanouissement : la hausse des loyers et le prix des transports sont en ascension chaque année. Une des solutions restantes pour les jeunes actifs de la métropole se trouve dans les ruines de la capitale. L’idée d’obtenir un logement trop onéreux est dorénavant enterrée, et une partie de la population londonienne s’abrite pour une durée variable dans ces endroits oubliés ou inoccupés. Poursuivant une vieille tradition anglaise, le squat est une pratique courante qui se développe dans un réseau puissant. Les squatteurs forment désormais une communauté, et des meetings ont lieu plusieurs fois par mois dans les quartiers populaires de l’Est et du Sud londonien.


Crédit london.indymedia.org/
Crédit london.indymedia.org/
Qu’est-ce qu’un squatteur ? C’est une personne qui occupe un édifice vide ou abandonné sans la permission du propriétaire. Cette catégorie sociale ne dépasse pas les 30 ans et réunit des profils hétéroclites. Le squat est une des conséquences de la crise du logement qui plonge l’Angleterre dans un malaise persistant. C'est un phénomène qui s’est développé dans les années 90 et qui prend une ampleur inquiétante à Londres aujourd’hui. Une enquête du Guardian  a révélé le dysfonctionnement du marché immobilier à Londres avec 710 000 édifices vides à travers l’Angleterre en 2014. De nombreuses propriétés sont maintenant concernées par le risque d’être délaissées, menant à une stagnation économique, avec des impacts négatifs sur les communautés locales et les activités foncières nationales. 

Une pratique populaire

SQUASH, Squatteurs Action for Secure Homes, est une association qui se bat pour les droits des squats. L’organisation souligne que le nombre de personnes en attente d’un logement a presque doublé depuis 1997. Pour lutter contre ce phénomène, SQUASH se démène pour attribuer un logement approprié aux individus dans le besoin.

La pratique du squat a toujours existé dans l'histoire du Royaume-Uni, et particulièrement pendant les années 60 et 70. À cette époque, cette tendance était notamment due à la libération des mœurs et la volonté de développer un nouveau style de vie.

Loin des préjugés, le squat ne réunit cependant pas seulement des sans-abris, mais aussi de jeunes actifs, des étudiants et des étrangers qui ne suivent pas la cadence du « life style» londonien. 

Lors d’un des meetings, le Journal International a rencontré Sophie, jeune allemande. Elle débarque à Londres pour gagner de l’expérience et apprendre l’anglais. Les squatteurs tiennent généralement à rester anonymes pour des raisons de sécurité, mais après avoir discuté avec Sophie, elle souhaite m’en dire davantage et défendre cette pratique. Ainsi, elle nous dévoile son parcours et ses premiers pas sur le sol anglais : « J’ai 18 ans, et je suis actuellement en année de césure à Londres. J’effectue un stage non rémunéré comme la plupart des formations en Angleterre. En revanche, je ne m’attendais pas à ce que la vie soit si chère et malgré l’aide de mes parents, je ne peux pas vivre confortablement ». Sophie a connu ce système par le biais de ses recherches d’appartement sur internet. Une solution qui se révèle moins chère et qui réunit d’autres jeunes, lui permettant ainsi de faire des rencontres. 

Sophie confie qu’elle a même entendu parler de « squatting party ». « Ce sont des soirées qui se passent dans des maisons occupées par les squatteurs. Le seul ennui est qu’il faut être très respectueux, car au moindre faux pas, la police peut réquisitionner la maison ». En effet, les actes de brutalité sont fortement réprimandés dans la pratique du squatting. Depuis 1977, l’utilisation de menaces et de pratiques violentes est illégale pour réquisitionner une propriété dans laquelle quelqu’un se trouve et s’opposer à l’infiltration. La loi fut introduite dans un souci de protection des locataires et pour éviter des expulsions jugées trop inhumaines. C’est ce qui est souvent impliqué lorsque l’on parle des « squatting rights».

Le Journal International a donc participé à un de ces rassemblements mensuels pour analyser cette pratique. Le modérateur du meeting est un ancien squatteur, français expatrié, qui loue à présent un appartement, mais continue à se battre pour les personnes dans l’impasse. Dans un premier temps, il explique les lois du squat. Corollairement, l'entrée dans une propriété est permise seulement si celle-ci est ouverte et inoccupée. Lors de l'infiltration au sein du logement, les squatteurs changent le verrou. Une fois à l’intérieur, l'usage individuel de l'électricité, du gaz, et d'internet est préférable pour demeurer dans la légalité et ainsi éviter tout problème avec la police. Causer des dommages et utiliser l’énergie frauduleusement sont les seules pratiques amendables. Cependant, la présence d'un individu au sein de la bâtisse est indispensable pour prouver que la maison est occupée. 

Lorsque le domicile est « squatté», les forces publiques et le propriétaire n’ont plus le droit d’y pénétrer. Sophie, notre jeune allemande, ne partage pas son expérience avec ses parents qui risqueraient de s’inquiéter. Elle affirme : « Je sais qu’il n’y a aucun risque. L’idée de squatter a simplement une mauvaise réputation. La majorité des squatteurs sont des personnes de confiance, avec une situation professionnelle ou étudiante. Je ne compte pas squatter avec des personnes inconnues, les meetings sont faits pour cela : créer des groupes. »

De la sorte, les squatteurs vivent dans l’anonymat, par crainte de l’expulsion et à cause d'une nouvelle loi qui criminalise davantage ce groupe social.  

Entre légalité et illégalité ?

Aujourd'hui, l'État reconnaît officiellement le squat. Ainsi, les détenteurs de maisons squattées doivent se rendre au tribunal d’instance pour prouver que les occupants ont pénétré illégalement leur propriété, avant d’être évacués. Toutefois, les personnes qui se retrouvent sans abris en conséquence de l’intrusion de squatteurs peuvent légalement enfoncer la porte et demander aux indésirables de quitter le site. S’ils refusent, la transgression peut être signalée à la police et une procédure de criminalisation peut donc être engagée. Les forces de l'ordre peuvent également prendre des mesures si d’autres infractions pour infiltrer l’habitat ont lieu.

Le squat a récemment été compromis par une législation, « the non residential law», émise par l’Union conservatrice des tories. Le parti de droite a rendu public ce phénomène, et a ainsi effrayé les citoyens. Des services de sécurité ont été mis en place, provoquant une peur grandissante dans les foyers londoniens. Les propriétaires font appel à une assistance appelée « ​​Gardian services» pour assurer la protection contre de potentiels intrus. 

La dernière loi mise en vigueur change quelque peu la donne. Elle permet d’accélérer le processus d’expulsion des squatteurs dans les maisons résidentielles vacantes, comme par exemple les demeures secondaires, ou encore les domaines en vente. La police est désormais autorisée à perquisitionner un édifice suspecté d’être envahi par des squatteurs et de les exclure du lieu.

Selon le ministère de la Justice, « avec cette nouvelle loi, il sera plus difficile pour les intrus d’affirmer leurs droits à l’égard des bâtiments résidentiels, car l’occupation sera considérée comme un acte criminel». Cependant, les squatteurs qui occupent des maisons non résidentielles seront toujours capables de réclamer leurs droits. Le squat dans un immeuble résidentiel est considéré comme une infraction et est passible d’une peine maximale d’emprisonnement de six mois, ou d’une amende pouvant aller jusqu’à 5000 £.

Cette nouvelle suscite le mécontentement des organisations comme SQUASH, et de nombreuses initiatives ont été prises depuis la législation. L’occupation de maisons reste légale, mais devient une source d’insécurité grandissante. Afin de maintenir un sentiment de stabilité pour ces individus sans domicile, une pétition a été mise en place par SQUASH, ainsi que des actions pacifiques telles que des expositions artistiques et des concerts. L’organisation bénéficie même du soutien de The Guardian. Le journal clame son association à l’organisme à travers une lettre qui plaide la révocation de cette législation. SQUASH invite l’ensemble des personnes concernées à se mobiliser par le biais de donations, ou propose d'investir dans les différentes activités du groupe que l’on peut suivre sur leur site web.

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