Les étudiants canadiens se battent contre les violences policières

Flaminia Bondi, correspondante à Montréal
21 Mars 2013



Dans le cadre de la 17ème Journée internationale contre la brutalité policière, une marche a été organisée à Montréal. "Une lutte pour la dignité, la vraie justice et la liberté".


@Michel Desbiens/QMI AGENCY
@Michel Desbiens/QMI AGENCY
Leur objectif ? Dénoncer la « répression policière et son impunité » et encourager les victimes d’abus de pouvoir à porter plainte en déontologie. Organisée par le Collectif opposé à la brutalité policière (COBP), groupe autonome formé en 1995 et regroupant aujourd’hui les victimes et témoins d’épisodes de violence policière, la marche s’est déroulée le 15 mars dans les rues de Montréal. Les manifestants revendiquaient la fin du « profilage policier, notamment contre les jeunes et les personnes marginalisées » et de « l'intimidation et [d]es abus policiers sous toutes leurs formes ». Un appel à un « rassemblement de casseroles » a aussi été annoncé dans l’après-midi, afin de « faire entendre l’appui aux dénonciations. »

La marche a été précédée à 11h00 d’ateliers d’information tenus à l’Université McGill, censés tracer l’historique des répressions des mouvements sociaux ayant marqué Montréal depuis 1995, jusqu’aux épisodes les plus récents. Car les cas de violence policière injustifiée ne font que croître à Montréal. Un des cas les plus récents de violence a été relevé le 7 mars 2012, lors de la manifestation pour la gratuité scolaire, où un jeune manifestant, Francis Grenier, aurait été gravement blessé à l’œil par une grenade assourdissante, lancée par un agent du SPVM (Service de Police de la ville de Montréal). L’affaire est actuellement sous enquête.

Les policiers dénoncent de leur côté la présence fréquente de « casseurs » se mêlant souvent à la foule des manifestants pour commettre des actes illégaux les obligeant à intervenir, que ce soit par moyen de grenades assourdissantes ou irritants chimiques, ayant comme seul but de déstabiliser les manifestants et prévenir les agressions. 

S’il est vrai que la brutalité policière semble être de plus en plus forte et injustifiée au Québec, les manifestants font de moins en moins preuve de résistance passive. Sur une des pages Facebook présentant le mouvement de contestation, nous pouvons lire le commentaire d’un internaute : « Selon moi, nous devons retourner leurs haines contre eux. Le respect de leurs autorités ne constituera jamais une excuse à leurs violences. L’autodéfense face à l'oppression est un devoir.»

Avec cet état d’esprit globalement partagé, les récents actes de violence subis par certains manifestants risquent d’accroître la haine contre les forces de l’ordre et d’alimenter encore plus de violence. Stéphane Bergeron, ministre de la Sécurité publique, a affirmé sa volonté de mener une enquête sur les opérations policières menées depuis le début de la crise étudiante du printemps dernier. 

Multiplication des cas

Mais les épisodes d’abus d’autorité ne touchent pas que les manifestants. Un autre épisode de violence avait en effet eu lieu le 2 février dans la ville des Trois Rivières, où quatre agents de la sécurité ont été suspendus pour une durée indéterminée suite à une arrestation violente caractérisée par des actes criminels et injustifiés contre l’accusé. Celui-ci, un jeune de 19 ans, avait commis un vol dans une pharmacie armé d’un pistolet, mais s’était, après une longue poursuite, volontairement allongé par terre, les bras ouverts et à plat ventre sur le sol, en attente de la venue des policiers et de l’arrestation.

Les caméras de surveillance du Cégep de Trois-Rivières, près duquel l’épisode a eu lieu, ont toutefois témoigné d’une série d’actes de violence injustifiée, comme des coups de pieds répétés, commis par les agents à l’encontre du jeune allongé par terre et désarmé, sans qu’il ne montre aucun signe de résistance. L’épisode a été fortement dénoncé, notamment par le maire de la ville, Yves Lévesque qui a affirmé, indigné : « Même si c’est quelqu’un qui a commis un crime, il y a des procédures, il y a des façons de faire, il y a un code de déontologie au niveau des policiers. ». L’homme s’est dit très déçu. 

René Duval, l’avocat du jeune homme, mène aujourd’hui une poursuite civile contre ces policiers pour la réclamation de dommages provoqués par des actes définis comme criminels.

Ce n’est pas la première fois que des policiers semblent mener des actes de violence contre les personnes sans que celles-ci constituent nécessairement une réelle menace à la sécurité. Le cas de l’agent de police Stéphanie Trudeau, connue sous le nom de matricule 728, a longtemps fait parler Montréal, et déclenché de nombreux commentaires sur la toile. L’agente avait été suspendue depuis le mois d’octobre, pour avoir mené une arrestation musclée de quatre personnes, au moment où ils s’apprêtaient à rentrez chez eux. La raison de l’accusation, semblerait-il, serait le fait de « les avoir surpris trainer dans la rue avec une bière. » 

L’arrestation a été filmée par l’un des témoins et fait le tour du web, provoquant le scandale et la colère aussi bien des citoyens que de la police de Montréal. De plus, une conversation privée avec l’un de ses collègue, enregistrée par hasard dans le véhicule et à son insu, témoignerait de propos « inacceptables » selon le SPVM. Stéphanie Trudeau avait déjà fait l’objet d’épisodes semblables, notamment lors d’une manifestation étudiante du printemps dernier, où elle avait aspergé de poivre irritant un groupe de manifestants inoffensifs. 

Cette série d’abus de pouvoir et de violences injustifiées pourrait aussi soulever de nombreuses questions quant à la formation des agents de police. Peut-être serait-il nécessaire de mener une préparation déontologique plus approfondie ? Ou ne faudrait-il pas suivre de plus près l’état psychologique de ces agents, qui se trouvent trop souvent à gérer des situations de tensions et d’affrontements impliquant de plus en plus de jeunes ? Et qui seraient tentés d’abuser de leur pouvoir, comme dans le cas de la matricule 728 ? 

Cela dit, il ne faut pas généraliser à l’ensemble de la police, qui regroupe aussi de nombreux professionnels faisant leur possible pour maintenir l’ordre et la justice de manière pacifique et selon les règles qui leurs sont imposées. Toutefois, à l’heure d’aujourd’hui, les cas de personnes ayant subit des agressions violentes de la part d’agents de police restent nombreux, ce qui leur a souvent causé la qualification de « chiens de garde de l’Etat », provoquant plus de violence qu’ils n’en évitent. Ceci ne fait qu’attiser le sentiment de méfiance et de rivalité partagée qui règne entre citoyens et police, rendant chaque manifestation une bataille ouverte, où au final, tout le monde est perdant.

Découvrez la Bande-annonce du long-métrage documentaire DÉRIVES grâce au Journal International, sur les dérives policières et médiatiques du Printemps érable, réalisé par le collectif 99%Média. Encore mieux, savourez le film dans son intégralité en cliquant sur ce lien.  



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