Madagascar, la femme derrière l'homme

Jean-Baptiste Auduc, correspondant à Madagascar
17 Avril 2013



Les élections présidentielles malgaches se rapprochent. Pour le moment annoncées au 24 juillet 2013, elles viennent de connaître un nouveau coup de théâtre. L’ancien président Marc Ravalomanana - exilé depuis 2009 en Afrique du Sud - avait dans un premier temps annoncé que son parti, Tiako i Madagasikara, ne serait pas représenté. Pourtant, lundi, c’est la femme de l’ex-chef d’Etat, Lalao Ravalomanana, qui s’est portée candidate.


Madagascar, la femme derrière l'homme
Celle que les insulaires nomment parfois Neny («Maman» en malgache) bénéficie d’une aura particulière. Elle a participé à de nombreuses œuvres caritatives. Les inquiétudes sont pourtant nombreuses autour de cette candidature. Certains analystes pensent déjà que Lalao Ravalomanana pourrait être la marionnette de son mari. Elle n’a en effet jamais occupé de poste dans la fonction publique. Cette candidature serait une tactique d’évitement. Marc Ravalomanana ne peut pas se présenter ; il met sa femme à sa place. Cependant, un obstacle de taille se dresse entre l’élection et Mme Ravalomanana. D’après l’article 5 de la loi organique relative aux élections, un candidat doit résider sur le territoire malgache durant les 6 mois qui précèdent le scrutin. La situation de l’ancienne première dame entre en contradiction avec cette loi, vivant depuis peu en Afrique du Sud, pays d’exil de son mari.

Encore un autre candidat

Certains, comme Sarah Georget Rabearisoa, présidente du parti Vert, pensent que cette profusion de candidat est une chance : « C’est l’expression d’une volonté de prise de responsabilité et de la démocratie, mais c’est important surtout car cela offre un large choix aux électeurs. » Lalao Ravalomanana vient ainsi allonger la longue liste des candidats à l’élection. La plateforme du FFKM (Conseil des Églises chrétiennes de Madagascar) confirme cette semaine une rencontre entre les différentes mouvances du pays. Cette initiative entre dans le cadre du dialogue malgacho-malgache. Une précédente réunion, organisée en 2009 afin de dénouer la crise en cours, n’avait pas abouti. Cette fois, un bouleversement du calendrier électoral pourrait être préconisé par le Conseil.

La désillusion est grande

Ces années de flottement ont laissé des marques indélébiles dans les esprits. Un jeune Malgache sur place, Herilanja, témoigne de la situation : « Le problème à Madagascar, bien qu'on en a assez du dirigeant qui reste au pouvoir, c'est qui va le remplacer, [...] voilà qu'arrive Rajoelina, qu'on espérait tant, mais qui semble décevoir 3 ans après. On s'en débarrasse, et ce sera qui d'autre ? ». En effet, dans le pays, la désillusion est grande. Andry Rajoelina, véritable figure de l’homme providentiel en 2009, s’accroche au pouvoir. Selon les observateurs, il a tout fait pour retarder les élections.

Crise sociale et économique

Les nouvelles élections ne sont pas synonymes d’espoir. Herilanja continue : « Je suis plutôt pessimiste quant à la sortie de crise, à cause de la soif de pouvoir des politiciens qui en dehors du pays, ne cherchent qu'à déstabiliser ce qui est en place. Et qui, une fois en place, ne voudraient en aucun cas s'en débarrasser ». Madagascar, 151ème sur 187 pays dans l’Indice de Développement Humain, est au bord de l’explosion sociale. Le 22 février, le cyclone Haruna a fait des ravages dans les cultures. Beaucoup de points d’eau ont été pollués, des maisons ont été détruites. À Tulear, la région la plus touchée, 10 000 personnes sans toujours sans abris. Ce qui n’arrange en rien la situation sociale du pays.
Au niveau économique, les aides de African Growth and Opportunity Act (AGOA) ont été suspendues fin 2009. De plus, cet été, les dahalos ont agité le sud du pays : ces voleurs de zébus ont mis en déroute les forces de l’ordre. Un symptôme plus que spectaculaire de la déliquescence du pouvoir central. Herilanja conclut : « L'insécurité est un fléau auquel on fait face tous les jours, tant en milieu urbain qu'en milieu rural. En fait, ça va de soi, vu qu'il n'y a pas de travail et qu'il faut manger ».

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