Malaysia Airlines : combien d'hypothèses abracadabrantesques?

Mathilde Tarif
12 Mars 2014



Le mystère de la disparition de l'avion Malaysia Airlines entre Kuala Lumpur et Pékin alors qu'il se trouvait entre la côte orientale de la Malaisie et le Sud Vietnam demeure entier. Mais une chose est certaine, l'affaire du Boeing 777 fait couler beaucoup d'encre.


Dans le monde entier, c'est le branle-bas de combat. Menées sans grand succès, les recherches de l'avion de la Malaysia Airlines se poursuivent intensément jusqu'en Mer de Chine méridionale jusqu'à 100 milles de rayon à partir du point où le contrôle aérien a totalement perdu contact avec l'appareil. Les maigres éléments découverts en mer et susceptibles d'être reliés à l'accident se sont à chaque fois révélés infructueux et les enquêteurs peinent à découvrir des parties matérielles, alors même que le golfe de Thaïlande est un lieu de trafic maritime intense.
 
Des dizaines de navires, d'avions et d'hélicoptères ont été mobilisés par neuf pays au total, dont la France, les Etats-Unis ou encore le Vietnam et les Philippines. Alors que la Chine a déployé dix satellites à haute résolution pour appuyer les secours et servir à l'aide à la navigation, les Etats-Unis ont quant à eux envoyé deux destroyers qui transportent des hélicoptères et un avion de surveillance équipé d'un radar longue portée. La police fédérale américaine et l'agence américaine de la sécurité dans les transports (NTSB) ont également dépêché des techniciens, des enquêteurs et des spécialistes de l'entreprise Boeing.  Les Philippines ne sont pas en reste et viennent également  d'annoncer l'envoi de trois patrouilleurs navals et d'un avion de patrouille au sud-ouest de l'île de Phu Quoc au Vietnam. 
Crédit photo DR
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Des hypothèses pour l'instant peu convaincantes

L'hypothèse la plus plausible et réaliste reste celle d'une explosion de l'appareil en plein vol due à une décompression. En effet il est possible que des fissures se forment au niveau des hublots, ce qui entraîne par la suite une décompression qui fait exploser l'appareil violemment. Cependant les autorités américaines semblent avoir examiné attentivement les images de leurs satellites espions qui couvrent très largement la région afin d'y déceler une explosion en vol, mais rien n'est visible sur les clichés. D'autre part, si l'avion s'était écrasé en mer au moment de l'impact avec la surface de l'eau, les enquêteurs auraient du déceler assez facilement une masse de débris circonscrite à une zone limitée.
 
La piste terroriste est quant à elle loin de faire l'unanimité. L'agence Interpol a émis de sérieuses réserves quant à cette théorie qu'aucun indice selon elle ne semble supporter. L'avion aurait en effet pu exploser en vol, hypothèse alimentée par la présence à bord de l'appareil de deux passagers voyageant avec de faux passeports italien et autrichien. Ces deux hommes étaient Iraniens et avaient déjà utilisé de faux passeports sur un autre vol entre Doha et Kuala Lumpur. Selon la police thaïlandaise, un individu iranien aurait organisé l’achat des billets des deux hommes par l’intermédiaire d’une agence de voyage de Pattaya, station balnéaire située en Thaïlande. Néanmoins, d'après Interpol, aucun élément ne semble soutenir la thèse d'une attaque terroriste à bord du Boeing 777, et l'hypothèse de deux demandeurs d'asile tentant d'immigrer en Allemagne apparaît bien plus convaincante. Néanmoins, un autre détail déroutant persiste et entretient la piste d'un acte terroriste: cinq passagers s'étaient enregistrés pour le vol à destination de Beijing mais ne se sont pas présentés à l'embarquement. Or, compte tenu de la sureté réputée défaillante de l'aéoport international de Kuala Lumpur, les  bagages enregistrés sans que les propriétaires ne montent à bord auraient pu être embarqués grâce à des complicités au sein du personnel aéroportuaire. Mais si la disparition de l'appareil était due à un acte terroriste, pourquoi personne ne le revendiquerait ?

Zones d'ombre et théories abracadabrantes

Aussi les zones obscures demeurent et les reproches abondent. De son côté, la Chine ne ménage pas ses critiques alors que 153 ressortissants chinois étaient à bord de l'appareil. La Chine reproche à la Malaisie son manque de réactivité et la gestion déficiente de l'opération par les autorités malaisiennes et la compagnie Malaysia Airlines. Le quotidien chinois nationaliste Global Times déclare dans un éditorial que “les autorités malaisiennes ne peuvent pas échapper à leurs responsabilités. La réponse initiale de la Malaisie n’a pas été assez rapide.” De son côté, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a déclaré que malgré sa sincérité, la Malaisie devait “intensifier ses efforts”.
 
Les proches des passagers du Being, originaires de Chine, France, Malaisie, Indonésie ou encore Australie, expriment eux aussi leur colère contre la Malaysia Airlines, accusée de négligeance, mais également contre les autorités malaisiennes et chinoises qui ne fournissent que peu d'informations, et de surcroît opaques. Les familles chinoises ont refusé mardi l’aide financière de 5.000 dollars par personne que leur a offert la compagnie Malaysia Airlines.
 
En outre, de nombreux spécialistes expriment également leur scepticisme quant aux informations données par les autorités en charge de l'enquête. En effet, alors que le boeing reste l'un des appareils les plus fiables au monde, le doute reste permis. S'il existe des exemples de disparitions mystérieuses dans l'histoire de l'aviation, il semble qu'il n'y ait jamais eu aucun cas de vol moderne avec lequel le contact aurait été subitement perdu. De surcroît, depuis une dizaine d'années, tous les avions sont équipés d'un système de surveillance ADS-B qui émet en discontinu la position de l'appareil grâce au positionnement par satellite. Comment alors expliquer la disparition brutale du boeing 777 ? Concernant l'accident du vol Air France à destination de Rio de Janeiro en juin 2009, de nombreux messages automatiques appelés ACARS avaient été envoyés durant les minutes précédent le crash de l'appareil. Or l'appareil Malaysia Airlines était lui aussi doté d'un système ACARS, mais la compagnie n'a mentionné aucun message en provenance de l'avion avant de perdre le contact. Par ailleurs, aucune boîte noire n'a été pour l'instant retrouvée, alors que ces dernières continuent d'émettre plus de 30 jours après l'explosion d'un appareil et que les eaux de la zone de recherche ne sont pas aussi profondes que pouvaient l'être celles de l'océan Atlantique lors de l'accident du vol Paris-Rio.
 
Ces éléments confus et douteux ne peuvent qu'entretenir des suppositions invraisemblables, nourries en outre par des détails de plus en plus déroutants. Selon le Washington Post, plusieurs téléphones des passagers présents à bord de l'avion ont sonnés dans le vide lorsque leurs proches ont tenté de les joindre. Alors comment ne pas s'étonner ensuite d'entendre certains Malaisiens parler de théorie du complot orchestrée par les Américains, qui aurait accidentellement abattu l'avion par missile et chercherait à se couvrir ? Ou encore émettre l'hypothèse que le Boeing 777 aurait atterri en Corée du Nord afin de s'ajouter à la flotte aérienne nord-coréenne alors que les passagers seraient encore vivants et détenus par les autorités ? Ou au Vietnam d'ailleurs, où des kidnappeurs planifieraient d'utiliser l'avion comme une arme de destruction massive en vue d'un futur attentat terroriste.
 
La supposition la plus vraisemblable reste finalement celle de la faille spatiotemporelle à travers laquelle l'avion se serait engouffré. Pourquoi pas.

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