Norvège : le Parti du progrès au gouvernement

Thea Hellenes Ekre, traduit par Céline Herbin
16 Octobre 2013



En Norvège, une coalition de centre droit a récemment remporté la majorité aux élections législatives. Trois semaines plus tard, les partis concernés ont fini par trouver un compromis pour former un nouveau gouvernement. Véritable tournant : le Parti du progrès sera l’un des deux partis représentés dans le nouveau gouvernement.


Siv Jensen, leader du FrP | Crédits photo -- Sara Johannessen/Scanpix
Siv Jensen, leader du FrP | Crédits photo -- Sara Johannessen/Scanpix
Le 9 septembre dernier se sont déroulées les élections législatives en Norvège. Une coalition de centre droit, constituée des libéraux, des chrétiens démocrates, des conservateurs et du Parti du progrès, a obtenu 95 sièges au Parlement. Ce sont 11 sièges de plus qu’il n’en fallait pour remporter la majorité. Ces élections sont donc historiques à bien des égards. Tout d’abord, c’est seulement la deuxième fois qu’une femme sera nommée Premier ministre. Un paradoxe, pour ce pays qui figure parmi les plus avancés au monde en matière d’égalité des sexes. Ensuite, le Premier ministre sera issu des rangs du parti conservateur, ce qui n'était pas arrivé depuis 1990. Enfin, pour la première fois depuis sa création en 1973, le Parti du progrès entre au gouvernement.

Les quatre partis ont négocié la composition du gouvernement dans la plus grande discrétion. Pour la première fois de son histoire, la Norvège connaîtra un gouvernement « bleu foncé » : une coalition minoritaire constituée du Parti conservateur et du Parti du progrès. 

Le Parti du progrès, un parti populiste d’extrême droite ?

Le Parti du progrès est-il un parti populiste d’extrême droite et si oui, dans quelle mesure ? Les débats ont fait rage ces derniers temps. Si la réponse est oui, alors la situation est véritablement inédite en Norvège. Il est difficile de répondre à cette question. Le Parti du progrès a une position floue dans le spectre politique norvégien. Une partie de la presse internationale le qualifie de parti d’extrême droite, populiste et anti-immigration. Ces dernières années, après la crise financière et ses répercussions, l’Europe a effectivement vu l’émergence de cette famille politique. Les termes « parti d’extrême droite » sont souvent associés aux partis plus ancrés comme le Front National en France, la Ligue du Nord italienne ou encore l’Aube dorée en Grèce.

Quant à savoir si le Parti du progrès norvégien suit cette ligne politique, les avis divergent. « Il est tout à fait logique que le Parti du progrès soit considéré comme populiste à l’étranger », a tweeté le ministre socialiste de l’Aide au développement Heikki Holmaas quand le débat a pris de l'ampleur. Ce parti a une politique d’immigration ultra restrictive. Dans un rapport divulgué peu avant les élections, il affirme que l’immigration met en péril la culture et la richesse du pays. Toutefois, il est difficilement comparable aux partis cités ci dessus. De même, les conservateurs norvégiens sont moins à droite que leurs homologues des pays européens plus méridionaux.

Durant la campagne, les libéraux et les chrétiens démocrates ont bataillé pour participer à la formation du gouvernement aux côtés des conservateurs. Après plusieurs semaines de discussions, les deux partis centristes sont finalement arrivés à la conclusion qu’ils ne peuvent s’allier au Parti du progrès, notamment en raison des prises de position extrémistes et radicales dans certains thèmes de campagne. Bien qu’ils ne coopèrent pas au sein du gouvernement, les quatre partis ont trouvé un terrain d’entente que beaucoup considèrent sans précédent. Les deux partis écartés du gouvernement ont réussi à faire passer certaines des mesures qui leur tiennent le plus à cœur, comme l’interdiction des forages pétroliers dans certaines régions vulnérables de Norvège.

Qui sont les électeurs du Parti du progrès ?

Nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les raisons d’un tel engouement pour ce parti (16 % des votes) dans un pays comme la Norvège. C’est un pays riche dont le taux de chômage est inférieur à 4 %. Les partis d’extrême droite, déjà cités, ont émergé dans des pays durement touchés par la crise et le chômage. Le cas norvégien est différent. En 2005, avant la crise financière, le Parti du progrès avait déjà convaincu 22 % des électeurs.

Pour quelles raisons ? Pendant huit ans, une coalition de centre gauche, majoritairement sociale-démocrate, a gouverné la Norvège. Pour certains, ce vote est synonyme de changement. Quant aux fervents électeurs du Parti du progrès, ils ont pour thème de prédilection l’immigration. Beaucoup veulent signifier par leur vote que leurs impôts sont gaspillés pour les « immigrants qui profitent du système ». Ils s’opposent également à une taxation élevée et lui préfèrerait l’investissement d’une partie du fonds pétrolier norvégien, un fonds souverain issu des revenus pétroliers du pays, dédié aux investissements à long terme. Toutefois, il faut souligner que le Parti du progrès et le nouveau gouvernement auront besoin d’une majorité au parlement pour pouvoir espérer réaliser leurs mesures.

Quelle que soit la configuration du gouvernement, ces élections marqueront l’histoire politique de la Norvège, un pays habitué aux gouvernements stables et peu enclins aux conflits.


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