Palestine à l’ONU : symbolique ou stratégique ?

2 Janvier 2013



« Acte de Naissance » : ce sont les mots de Mahmoud Abbas pour qualifier l’admission de la Palestine aux Nations Unies comme Etat observateur non membre, le 29 novembre 2012. Joie à Ramallah. Côté Israélien, on maintient que la décision ne changera rien sur le terrain. "Le Journal international" est allé interroger deux spécialistes de la question pour décrypter les enjeux d'une telle décision.


Palestine à l’ONU : symbolique ou stratégique ?
Il y a un an, Mahmoud Abbas demandait l’admission de la Palestine en tant qu’Etat membre, demande jusqu’alors refusée par le Conseil de sécurité de l’ONU, seul capable d’admettre un nouveau membre. En 2012, la Palestine demande le statut d’Etat observateur non-membre. Le Conseil de Sécurité n’est pas impliqué dans cette décision, et la Palestine est reconnue à la majorité.

Ils sont désormais deux : le Vatican et la Palestine à être non membre observateur. Cela signifie qu’ils peuvent signer certains textes onusiens et consulter des institutions telles que la Cour pénale internationale. 

Concrètement qu’est-ce que cela change pour la Palestine ? « En réalité l’admission n’aura que peu d’impact, voire aucun, explique Natan Sachs, chercheur affilié au Saban Center pour le Moyen Orient à la Brookings Institution. L’aspect le plus important du vote est que désormais l’OLP (organisation de libération de la Palestine) pourra se tourner vers la Cour pénale internationale pour condamner des pratiques de guerre israéliennes à Gaza et les actes des soldats israéliens. » 

Le « Non » d’Israël et des Etats-Unis

Neuf Etats ont refusé cette admission. Parmi elles, Israël et les Etats-Unis. D’après Khaled Elgindy, chercheur affilié au Saban Center des relations internationales à la Brookings Institution, deux raisons principales sont à l’origine de ce désaccord : « Israël a refusé l’admission parce qu’il considère que seule une négociation directe mènera à une éventuelle solution. De plus, Israël est inquiet car il peut désormais être jugé par la cour criminelle de crime de guerre […] Pour ce qui est des Etats-Unis, ils s’y sont opposés car Israël s’y est opposé ». 

L’accord de 180 autres nations est aussi révélateur du mécontentement international sur la façon dont les Etats-Unis gèrent la crise. « Il est clair que les autres pays ne sont pas satisfaits du rôle des Etats-Unis dans le processus de paix qui n’aboutit à rien depuis… vingt ans » ajoute Khaled Elgindy.

« Il n’y a pas de processus de paix »

Cela fait vingt ans que le dit processus de paix stagne. « Il n’y a eu aucun effort pour la paix avant, pendant ou après le vote de l’ONU » déclare Khaled Elgindy. Les événements récents à Gaza (violences, mort de civils, etc.) sont la preuve que l’on s’éloigne du processus de paix. 

Suite à la décision de l’ONU, des mesures de sanctions économiques ont été adoptées par Israël et les Etats-Unis. « Le vote de l’ONU n’accélèrera pas du tout le processus de paix, Israël a déjà commencé à mettre en place des punitions et la Palestine refuse toujours d’entrer dans une négociation directe et inconditionnée avec Israël » rappelle Natan Sachs. 

« La contradiction dans ce processus de paix, c’est qu’à chaque pas de plus vers une solution, le comportement des deux Etats nous éloigne de cette solution » note M. Elgindy. Si le but de Mahmoud Abbas, président palestinien, était d’accélérer le processus de paix, Israël et les Etats-Unis l’en éloigne en sanctionnant le vote de l’ONU. Un processus de paix illusoire fait perdre espoir aux habitants, mais aussi aux acteurs politiques qui détournent le regard et se concentrent plus sur l’Iran, les révolutions arabes et les crises financières.

De nouvelles relations dans un environnement changeant

Une nouvelle Egypte sous Mohamed Morsi et une Syrie partagée vont être au cœur des nouvelles relations israélo-palestiniennes. Si les relations entre les Etats-Unis et l’Egypte à l’époque de Hosni Moubarak pouvaient être qualifiées de « coopératives », elles risquent de se refroidir. Le président islamiste compte bien acquérir une marge d’indépendance vis-à-vis des Etats-Unis. 

« Les Etats-Unis souhaitent très fort que l’Egypte respecte ses obligations internationales, mais il faut ajouter les valeurs démocratiques et le respect des droits de l’Homme qui sont aussi très importants aux yeux des Etats-Unis, en tant que partenaires de l’Egypte » explique Natan Sachs. 

Pour ce qui est des relations Israël-Egypte, elles peuvent être caractérisées de « prudemment pessimistes », d’après Natan Sachs. « Israël voudrait que l’Egypte ne brise pas le traité de paix israélo-égyptien, mais il craint une érosion graduelle des termes du traité, surtout avec la fragilité de la situation au Sinaï ». 

Et la Syrie? « Israël n’aime pas et n’a jamais aimé Assad. Le gouvernement a peur des armes chimiques et autres missiles qui peuvent viser Israël. »

Qu’attendre des élections Israéliennes de 2013 ?

Le 22 janvier 2013 se tiendront les élections législatives israéliennes. Benyamin Netanyahou, actuel Premier ministre, est favori des sondages. D’après les experts, on assisterait à une continuité des relations étrangères et une politique toujours concentrée sur l’Iran et l’arme nucléaire. « Si la même personne est élue pourquoi y aurait-il des changements ? » questionne Khaled Elgindy. Stagnation des relations israélo-palestiniennes et éloignement de l’intérêt pour le conflit, les élections 2013 ne seraient pas le signe d’un changement. 

Si l’admission de la Palestine à l’ONU a été perçue comme symbolique par Israël et les Etats-Unis, il n’en est pas moins que c’est une victoire diplomatique. Cette admission n’est pas synonyme d’un rapprochement vers une solution à deux Etats et ne cache pas de stratégie particulière mais permettra à la Cour pénale de sanctionner Israël en cas de crime de guerre. Sans changement sur le terrain et dans un désert d’espoir, le processus de négociation se fait toujours attendre.

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Fatima Sator
Journaliste correspondante à Neuchâtel (Suisse). Etudiante en Master de journalisme,je m'intéresse... En savoir plus sur cet auteur