« PanAm » 2015, le pari de Toronto

Florian Cazzola
22 Juillet 2013



La ville Reine est l’hôte des prochains Jeux panaméricains et parapanaméricains de 2015 qui se dérouleront pour la troisième fois au Canada, Winnipeg ayant accueilli par deux fois cet événement. L’impact que pourrait avoir cette compétition est considérable.


Crédit Photo -- Groupe CNW / Jeux pan / parapanaméricains de Toronto 2015
Crédit Photo -- Groupe CNW / Jeux pan / parapanaméricains de Toronto 2015
Le compte à rebours est lancé. Du 10 au 26 juillet 2015, la capitale économique du Canada va être le théâtre des deuxièmes plus grands « Jeux » au monde, après les Jeux Olympiques d’été. À cette occasion, plus de 7 000 athlètes d’Amérique latine, d’Amérique du Sud, des Caraïbes et d’Amérique du Nord seront engagés dans 36 disciplines panaméricaines et 15 disciplines parapanaméricaines.

Outre les enjeux sportifs cruciaux, avec entre autres des billets qualificatifs pour les Jeux de Rio 2016, c’est toute la légitimité et la suprématie de Toronto qui seront en jeu. Très peu épargnée par la mauvaise gouvernance du maire de la ville, Rob Ford, égratignée par les frasques incessantes de ce dernier, la 4e plus grande ville d’Amérique du Nord, en terme de population, est aujourd’hui à la recherche d’un second souffle.

Par amour du Sport

Si Toronto a été choisie comme hôte de ces Jeux, ce n’est pas non plus un hasard. En concurrence avec Lima et Bogota, la ville Reine a su mettre en avant ses nombreux atouts, à commencer par ses franchises. Au nombre de cinq, elles apparaissent comme des piliers qui ont su parfaitement trouver un équilibre entre cette mixité culturelle omniprésente et cette empreinte locale si importante. Vous ne trouverez d’ailleurs aucun Torontois qui ne connaisse pas le nom de son équipe de baseball ou de hockey, c’est dire.

Cette concentration a permis à la ville de se doter d’infrastructures capables d’accueillir des évènements d’envergure mondiale, à l’image de son « SkyDome » ultra-moderne et aujourd’hui rebaptisé « Roger Centre » du nom de la compagnie de télécommunications canadienne. Et si on pouvait douter de sa capacité à recevoir et héberger plusieurs centaines de milliers de personnes pendant toute la durée des Jeux, la « Pan American Sport Organisation »* s’est montrée réceptive aux efforts d’un Toronto qui est aujourd’hui la métropole qui compte le plus grand nombre de gratte-ciels en construction sur le continent des Amériques.

Objectif 2024

Échaudée par ses échecs pour l’obtention des Jeux Olympiques d’Été 1996 et 2008, la ville de Toronto n’a pas lésiné sur les moyens au moment de se porter candidate. Car si les Jeux panaméricains sont un événement d’envergure mondiale, la ville Reine voit plus loin. 2015 ne serait en fait qu’une répétition générale avant la désignation de la ville qui accueillera les JO de 2024.

Si on peut y voir une manœuvre stratégique, c’est à n’en pas douter un véritable pari dans lequel la métropole s’est engagée. Unis comme rarement, l’État, la Province et la ville ont œuvré main dans la main pour présenter un budget de plus de 2,5 milliards de dollars répartis dans les investissements capitaux (infrastructures), les opérations et les collaborations avec pas moins de 14 municipalités impliquées. Quant aux recettes qui serviront à atténuer ces coûts, elles sont estimées à 10% des dépenses totales, une goutte d’eau quand on sait que le succès économique n’est pas garanti pour les villes organisatrices.

L’amalgame de Louise Gauvreau, gestionnaire principale aux langues officielles pour les Jeux panaméricains et parapanaméricains 2015, à propos du futur « village panaméricain » et non « olympique » n’est qu’un témoignage supplémentaire du réel objectif que s’est fixé Toronto. Un village qui est d’ailleurs en construction au cœur de la métropole, et qui devrait respecter les délais impartis par le comité organisateur selon Peter Donolo, porte-parole des Jeux « PanAm » : « Ça va très bien. En termes de construction, tous nos grands projets ont déjà commencé ».

L’assurance tout-risque

Le projet dévoilé en 2009 est, en comparaison, dix fois plus coûteux que ceux proposés par Lima et Bogota, les deux autres villes candidates. Mais si ces dépenses paraissent démesurées, Toronto va se baser sur des installations sportives « supérieures aux normes internationales », ce qui inclut des bourses d'entraînement pour les athlètes, selon la délégation canadienne.

 La ville a également promis d'assurer aux Jeux une « sécurité maximale » et une diffusion radiotélévisée « similaire à celle des Jeux olympiques ». Il en va de la réputation de la ville que d’éclabousser ces Jeux, de manière à peser sur le choix futur du Comité International Olympique.

C’est en outre pour ce motif que la municipalité et les partenaires privés s’attèlent depuis un peu plus d’un an à « lifter » la ville en profondeur. Les transports publics sont au cœur d’un chantier gargantuesque, par ailleurs très polémique. La gentrification urbaine s’est nettement accélérée avec des projets de condominiums qui fleurissent par dizaine. Il faut dire que les retombées pourraient être considérables.

Tous contre un !

Si cet événement devrait permettre à la ville de prendre un nouvel élan pour la décennie à venir, il y en a un pour lequel la réussite du projet est capitale. Le maire de la ville, Rob Ford, éprouve les plus grandes difficultés à mener à bien son second mandat. Sans cesse raillé par l’opposition, sa maladresse le contraint en plus à faire la une des tabloïds canadiens plusieurs fois par semaine.

Entre conflits d’intérêts, accusation de gestes déplacés à l’encontre de l’ancienne candidate Sarah Thomson (il lui aurait touché les fesses lors d’un événement public en mars 2013), accusation de consommation de crack et éviction d’un gala en état d’ébriété, la liste des sorties ratées de l’homme, qui souffre également d’obésité, ne cesse de s’allonger.

Actuellement en conflit ouvert avec Karen Stintz, la présidente de la commission des transports de Toronto (TTC) et candidate déclarée aux prochaines municipales, à propos du financement des futures lignes de métro et de tramway, « Mayor Ford » se retrouve dans une position très indélicate à quelques mois des prochaines échéances électorales de 2014. À n’en pas douter, le succès de ce projet relancerait sa carrière politique bien mal en point.

Il peut au moins se rassurer sur un point, il ne sera pas la mascotte officielle de ces Jeux. Pachi le porc-épic aura donc la lourde tâche de mener Toronto vers la réussite.


* Comité organisateur et décisionnaire des Jeux panaméricains et parapanaméricains

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