Paul Watson, « l’éco-pirate » qui défend les océans

9 Décembre 2013



Écologiste radical, le fondateur de Sea Shepherd Conservation Society dérange, tout autant qu’il suscite l’admiration. Ses méthodes radicales et son intransigeance l’ont conduit plusieurs fois devant la justice. Mais loin de se laisser intimider, il continue son combat. Toujours.


Crédits photo -- taringa.net
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Il est parfois nécessaire de sortir de la légalité pour mener à bien une cause qui paraît juste. Tel pourrait être le credo de Paul Watson. Infatigable, l’écologiste de 63 ans lutte depuis de nombreuses années avec acharnement pour défendre les océans et la faune qu’ils abritent. Combat qui n’est pas de tout repos. Le 6 novembre dernier, à Seattle, il était une nouvelle fois devant la justice. Cette fois-ci, il faisait face à une injonction des autorités japonaises. L’hiver dernier, peu avant le début de la saison de la chasse à la baleine, la justice américaine avait interdit à Sea Shepherd de s’approcher à moins de 450 mètres des baleiniers japonais. Interdiction qu’aurait violée à de nombreuses reprises l’organisation de Paul Watson.

« L’écolo » n’en est pas à sa première confrontation avec la justice. Déjà visé par des mandats d’arrêt émis par le Costa Rica et par le Japon, le défenseur des baleines ne s’est pas fait que des amis dans sa lutte. Le 13 mai 2012, suite à ces mandats, il est arrêté en Allemagne, et assigné à résidence. Il s’échappe le 22 juillet. Depuis il est visé par une demande d’arrestation d’Interpol, le condamnant à vivre en exil dans les eaux internationales. Il faut dire que le fondateur de Sea Shepherd Conservation Society est coutumier des initiatives spectaculaires. Adepte des actions coup-de-poing, son ONG se démarque par ses interventions extrêmes, durant lesquelles elle lance ses bateaux à l’assaut des baleiniers.

Depuis sa création en 1977, la flotte de l’organisation parcourt les océans sans relâche pour tenter d’empêcher la chasse à la baleine, et autres créatures marines. Les militants n’y vont pas par quatre chemins, n’hésitant pas à jeter des bombes fumigènes et de l’acide contre ceux qui ne respecteraient pas les conventions internationales, ou encore à laisser tomber des cordes dans l’eau pour tenter d’endommager les hélices des navires. Les bateaux noirs des « Bergers de la mer » (traduction de Sea Shepherd) sont devenus la hantise des baleiniers. Un peu comme on redouterait des pirates, qualification dont l’organisation est souvent targuée. Paul Watson s’en est même grandement inspiré pour créer son pavillon: un drapeau noir, dont le logo est composé d'une crosse de berger et du trident du Neptune, disposés au-dessous d’un crâne dont le front est marqué par un dauphin et une baleine en forme de yin yang, référence à « l'équilibre naturel des océans ».

Paul Watson déteste l’appellation d’éco-terroriste

Amusé quand on le qualifie de pirate, Paul Watson déteste l’appellation d’éco-terroriste : ce Canadien est avant tout un défenseur de la faune marine et un grand amoureux de la nature. Dès son plus jeune âge, il commence à militer pour l’environnement, à son échelle, en détruisant les pièges des trappeurs. Après quelques années dans le corps des gardes-côtes canadiens et dans la marine marchande - expériences qui lui ont permis d'acquérir une solide expérience en navigation - il participe en 1969 au mouvement « Don't Make a Wave Committee », contre les essais nucléaires en mer. Mouvement qui deviendra par la suite Greenpeace. S’il est sans conteste un des premiers membres de l’ONG, cette dernière réfute toutes les affirmations selon lesquelles il serait l’un de ses fondateurs. Les rapports entre Greenpeace et Watson n’étant pas tendres. En 1977, en désaccord avec la politique menée par les dirigeants de l’époque, il quitte l’organisation. Il dénonce alors une bureaucratisation de l’ONG à laquelle il s’opposait, préférant agir directement sur le terrain. Plus loin, fondant sa propre organisation, il devient de plus en plus critique envers ses anciens alliés. Année après année, Sea Shepherd va même finir par se placer comme une sorte de rivale de Greenpeace.

Reste que pour l’anecdote, c’est tout de même comme militant de Greenpeace que Paul Watson a connu l’événement qui –dit-il- a changé sa vie. En 1975, il participe à une campagne contre les baleiniers soviétiques. Au cours de celle-ci il va se trouver face à une baleine harponnée. Avant de mourir, elle va échanger un regard avec l’écologiste pendant quelques secondes intenses : « J’ai vu dans son œil qu’elle comprenait ce qu’on était en train de faire. Qu’on était en train de lui sauver la vie. Mais j’ai aussi vu autre chose : de la pitié. Pas pour elle-même, mais pour nous. Depuis ce jour j’ai dédié toute ma vie à la cause des baleines ».

Depuis cette rencontre hors du commun, c’est toute la faune marine qu’il entend défendre. Dauphins, phoques, thons rouges, et même d’autres poissons bien moins sympathiques. Dernièrement, c’est ainsi pour tenter de sauver les requins à la Réunion qu’il s’est beaucoup impliqué. L’île connaissant une résurgence de la traque de ce grand prédateur suite aux attaques de plusieurs surfeurs. Face à cette situation, Paul Watson tente d’alarmer l’opinion publique mondiale : « Nos océans se meurent, les populations de requins sont décimées ».L’écologiste indique que plus de la moitié des requins ont disparu de la surface du globe dans les dernières années.

Celui qui se fait appeler « capitaine » par ses équipages, est décrit par ceux-ci comme souriant, aimable et réservé. L’homme inspire la sympathie, avec son air jovial, sa barbe et ses cheveux blancs. Pour autant, Paul Watson n’en est pas moins intransigeant et n’a jamais hésité à se mettre en danger pour mener à bien son combat. Ainsi en 1977, alors qu’il conduit une campagne contre la chasse aux phoques sur la Banquise avec Greenpeace, il va être battu et plongé dans l’eau glacée par des chasseurs et ne devra son salut qu’à l’arrivée des autorités. Cette rage, il l’explique simplement : « Si nous détruisons les océans, que les océans meurent, nous mourons. Je ne pense pas que les gens saisissent vraiment ce lien : pas d’océans, pas de civilisation, pas d’humanité ».

Hors la loi, recherché par plusieurs pays, ennemi juré des baleiniers, Paul Watson n’envisage pourtant pas un seul instant de stopper un jour son action. Comme le capitaine du Hollandais Volant, un autre pirate légendaire, il semble condamné à arpenter les mers et océans pour toujours, ou presque. « Nous avons toutes les lois nécessaires pour protéger nos océans, mais nous n’avons pas de gouvernement qui ai le cran de les faire appliquer, c’est pourquoi des gens comme nous font le boulot à leur place. Le jour où les États appliqueront les réglementations, nous arrêterons ».


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