Pékin, premières impressions

Traduit par Martin Guignard
24 Septembre 2013



Pékin est une métropole très hétéroclite et pleine de contradictions. Sur un fond de pollution importante de l’environnement, d’un écart grandissant entre les riches et les pauvres et d’incidents dus à la difficulté de la langue, la « Capitale du nord » continue de surprendre et de choquer.


Skyline of Beijing | Crédits photo -- Sarmu/Panoramio
Skyline of Beijing | Crédits photo -- Sarmu/Panoramio
Le sens d’une culture et d’une tradition anciennes joue toujours un rôle important en République Populaire de Chine (RPC). Cela se ressent particulièrement lorsqu’on visite la Cité Interdite, dont la construction de certains bâtiments remonte à 1402. 

En y réfléchissant, ces artistes ne sont pas seulement à l’origine du rouge chaleureux des murailles, mais sont aussi les créateurs d’une vibrante impression dans l’enceinte historique. Ce que cette photo illustre alors si bien, c’est la façon dont la RPC réinvente, repeint ses traditions. Une grande part du riche héritage culturel de Pékin a été victime de la révolution culturelle, et certains de ses trésors sont gardés à Taiwan, au Musée National du Palais de Taipei ; néanmoins la capitale fait du mieux qu’elle peut pour promouvoir son image dans le monde de la culture et du tourisme.

Les peintres de la Cité Interdite | Crédits photo -- Le Journal International
Les peintres de la Cité Interdite | Crédits photo -- Le Journal International
L’organisation remarquable du réseau du métro pékinois est sans doute pour beaucoup dans la promotion de la capitale auprès des touristes du monde entier. A la différence des autres systèmes de transport chinois, comme les bus, dépourvus d’horaires et arrivant à des heures aléatoires à cause d’une circulation qu’on peut, au mieux, qualifier de chaotique, le métro est ponctuel et assez propre pour les normes chinoises. Bien que le réseau de Pékin soit le plus ancien de Chine, avec l’ouverture de la première ligne en 1969, il est comparable en apparence à celui des grandes métropoles comme Paris, New York ou Londres. Il doit toutefois beaucoup aux grands investissements municipaux versés lors de la campagne pour les Jeux Olympiques de 2008.

Panneau No scratch (« pas d’égratignure ») dans la Cité Interdite | Crédits photo -- Le Journal International
Panneau No scratch (« pas d’égratignure ») dans la Cité Interdite | Crédits photo -- Le Journal International
Un autre indice rappelant les JO de 2008 est le nombre croissant de traductions en anglais des panneaux dans les zones touristiques. Ces traductions devraient plutôt être appelées « chinglish », un mélange de chinois et d’anglais ; on en trouve généralement sur les panneaux, mais aussi sur les tee-shirts, les guides et les carnets, etc. Parmi les traductions rencontrées, les plus amusantes furent : « Ceci est le carnet de notes le plus confortable que vous rencontrerez. Vous voudrez écrire avec lui tout le temps », un tee-shirt « J’aime les fleurs » et le panneau ci-dessus dans la Cité Interdite.

Curieusement, alors que l’apprentissage de l’anglais est très demandé en RPC et qu’un anglophone natif peut aisément trouver un emploi dans l’enseignement, en particulier avec des diplômes comme le TOEFL, le niveau de compétence dans cette langue reste plutôt bas. La plupart des professionnels, surtout en-dehors des zones touristiques, ne comprendront pas l’anglais ; c’est pourquoi connaître les bases du chinois peut être un atout important, si l’on veut éviter d’avoir recours aux gestes pour se faire comprendre. Il arrive donc que les entreprises chinoises, au niveau d’anglais contestable, ne vérifient pas la validité de leurs slogans anglophones, et certaines inscriptions sur des produits peuvent rester énigmatiques pour le touriste anglophone. Les traductions en chinglish n’ont certainement pas fini de nous amuser.

IKEA Siyuanqiao | Crédits photo : Le Journal International
IKEA Siyuanqiao | Crédits photo : Le Journal International
Le seul endroit où les traductions en anglais sont correctes est IKEA. Il est amusant de constater que les magasins IKEA Chine sont des endroits dits « occidentaux », alors qu’ils sont largement adaptés à la culture chinoise. A côté des inévitables hot-dogs et boulettes de viande IKEA, le menu du restaurant propose des plats aux sonorités plus orientales comme le « ragoût de porc aux légumes ». IKEA Chine a également décidé de garder des noms d’origine, comme Billy, en ajoutant bien sûr un équivalent phonétique ainsi qu’une description complète en chinois suivie du prix en yuan. IKEA Chine s’adresse tout de même, avec des prix relativement élevés, en particulier à la classe moyenne.

Une rue près de la station de métro Wudaokou | Crédits photo : Rachel Varney
Une rue près de la station de métro Wudaokou | Crédits photo : Rachel Varney
Contrastant avec l’intérieur soigné d’IKEA, les rues en Chine sont facilement comparables à celles des pays en développement : sales. En dépit des tentatives gouvernementales visant à rendre les Chinois d’apparence plus « civilisée » pour les visiteurs occidentaux lors des J.O., on peut encore voir les petits enfants uriner dans la rue ou entendre l’habituel renâclement dans son dos, annonçant généralement que quelqu’un va cracher et dont il faut s’éloigner de la portée de tir.

Bien sûr il y a encore le brouillard de pollution de Pékin, qui peut couvrir la ville pendant plusieurs jours d’affilée. Malgré les promesses du gouvernement quant à la réduction de 5 % dans les quatre prochaines années des émissions de carbone, présentées comme les plus polluantes, les effets d’une telle politique ne se font guère ressentir pour l’instant. C’est ainsi que certains enfants de Pékin, quand on leur demande la couleur du ciel, ne répondent pas bleu, mais gris.

Unités de la Police Armée du Peuple (PAP) entrant dans la Cité Interdite | Crédits photo -- Le Journal International
Unités de la Police Armée du Peuple (PAP) entrant dans la Cité Interdite | Crédits photo -- Le Journal International
Ce que l’on remarque encore en marchant dans les rues de Pékin est la présence constante de policiers, faisant de Pékin la capitale la plus sûre du monde. C’est en particulier sur les sites les plus touristiques, comme la Cité Interdite ou la place Tiananmen, que l’on peut être sûr d’en rencontrer. Ils peuvent être très utiles à celui qui aurait perdu son chemin, car ils connaissent bien la ville.

Par ailleurs, le grand nombre de représentants des forces de l’ordre rappelle constamment le souci du gouvernement à l’égard de l’activité de son peuple. Tandis que le grand pare-feu de Chine ["great firewall" analogie de la Grande Muraille, "the Great Wall"] bloque toujours les sites internet comme Facebook ou Twitter, le peuple chinois bénéficie de leurs propres équivalents, appelés respectivement Renren et Weibo. De plus, la manière dont les Chinois discutent des sujets sensibles de l’actualité sur ces réseaux sociaux diffère grandement de ce que l’on connaît en Occident : ils ont mis au point leur propre méthode de communication, tirant un avantage du fait que le chinois est un langage pictural et tonal, ce qui crée des opportunités tout à fait inconnues des habitués des langues atonales et basées sur l’alphabet.

Le souci de sécurité semble omniprésent en Chine. Le métro pékinois est équipé d’un système de caméras en circuit fermé, ainsi que de nombreuses résidences voire des universités possèdent leur propre gardien de la sécurité à l’entrée.

De même que les forces de l’ordre, des photos du « Grand Président », Mao Zedong, sont visibles partout en ville. Mao trône au-dessus de la porte de la Cité Interdite, mais aussi sur une multitude de produits dérivés, comme des sacs ou des T-shirts Mao, ainsi que sur tous les billets de yuan, quelle qu’en soit la valeur. Contrastant avec l’image historique de Mao en occident, qui le dépeint comme un grand dictateur de la même trempe que Hitler ou Franco, le Grand Timonier est célébré en Chine comme son père fondateur : il est en effet souvent présenté comme celui qui a unifié le pays – si l’on oublie le statut controversé de Taiwan auprès de la communauté internationale qui vient saper cette panégyrique. En somme, Mao n’était pas le méchant dont parlent les historiens anti-communistes de la guerre froide, qui mettent en relief l’échec du Grand Bond en Avant et la violence de la Révolution Culturelle, mais il n’était pas non plus ce père bienfaiteur dont la RPC tend à faire circuler l’image.

Parking des vélos à l’Université de Pékin | Crédits photo -- Le Journal International
Parking des vélos à l’Université de Pékin | Crédits photo -- Le Journal International
Dans ses Conversations des Trois Rencontres avec les Camarades Zhang Chunqiao et Yao Wenyuan de 1967, Mao déclare à propos du contexte de la Révolution Culturelle :

« Pour faire la révolution de nos jours, le peuple réclame ceci et cela. Quand nous avons fait la révolution à partir de 1920 nous avons d’abord fondé la Ligue des Jeunes et le Parti Communiste. Nous n’avions aucun fonds, pas de presse ni de bicyclettes… ».

La Chine aujourd’hui a évolué, au-delà de ce qu’elle était au début des années 1920 quand Mao lançait sa longue conquête des cœurs et des esprits du pays. Quand on regarde notamment l’économie chinoise, qu’on qualifie de socialiste aux caractéristiques particulières, elle apparaît à certains simplement capitaliste. Cependant, cette économie en plein essor et une population très nombreuse soulèvent de plus en plus la question de la responsabilité sociale de l’Etat vis-à-vis de son peuple. Après tout, un Etat socialiste ne devrait-il pas avoir certaines obligations envers ses citoyens ? Quelle que soit la réponse à la question : « la RPC est-elle toujours communiste ? », qui se rapporte en fait à la définition même du communisme, la Chine a irrémédiablement changé depuis les années 1920, au moins en ce qui concerne un aspect : presque tout le monde possède une bicyclette, et particulièrement les étudiants des plus grandes villes de Chine.


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