Pérou : l'équipe de football manque (encore) la Coupe du Monde

19 Septembre 2013



2 défaites de rang ont plombé les derniers espoirs péruviens de s’envoler vers le Brésil. Encore une défaite et minimum 4 ans de plus à attendre... Une malédiction semble frapper la sélection péruvienne dans sa quête de Coupe du Monde.


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24... 24 longues années que tout un peuple féru de football attend. Et bien, il attendra encore un peu. L’équipe nationale menée par des joueurs tels que Vargas et Guerrero n’a pas pu satisfaire les espoirs placés en elle, la faute à deux défaites de rang, respectivement contre l’Uruguay (1-2) puis contre le Venezuela (3-2) au sein d’un parcours chaotique durant ces éliminatoires. 1 point ramené des déplacements sur 21 possibles : cela résume la faiblesse du collectif dirigé par Markarián. Ce dernier s’en ira après la fin des éliminatoires qui s’annonce peu intéressante : un déplacement en Argentine, équipe déjà qualifié, et un match à domicile contre la Bolivie, éliminée comme le Pérou.

Lors d’une conférence de presse, le coach a analysé les deux dernières prestations de son équipe. Pour lui, la défaite contre l’Uruguay a beaucoup à imputer à l’arbitrage très controversé, tandis que celle contre le Venezuela est logique. Quant aux derniers matchs des éliminatoires, il affirme : « Nous tenterons de terminer l’histoire en beauté, avec le professionnalisme de toujours ». Laconique, il ajoute : « Tous les efforts que nous faisons ne peuvent surpasser nos faiblesses... »

Le football, une passion malgré tout

Le Pérou est un pays de football. Il faut comprendre par là que c’est le sport le plus populaire, devant le volley et le surf. Le championnat local est très suivi malgré son niveau plutôt faible, comparé aux championnats des pays voisins comme le Brésil ou l’Argentine. Il est donc facile de comprendre qu’après la défaite contre l’Uruguay à domicile, les visages étaient bien tristes.

Pourtant, l’effervescence régnait 2 heures avant aux abords de l’Estadio Nacional de Lima. Des revendeurs de places partageaient la rue avec une myriade de petits étales proposant maillots, chapeaux et écharpes aux couleurs de la Blanquirroja (surnom de l’équipe nationale) tandis que des chants montaient vers le ciel. Ici, on supporte son pays avec enthousiasme, même après 24 ans d’échec et une qualification qui s’annonçait déjà avant le match très compliqué voire impossible à atteindre. Peut être que les supporters français devraient en prendre de la graine... 

Alex, Péruvien fou de football

Afin de comprendre un peu plus la relation passionnelle qui existe entre le Pérou et son équipe nationale, Le Journal International a pu rencontrer Alex, Péruvien fan de football. Certains éléments sont subjectifs, mais c’est aussi cela qui est intéressant pour comprendre la réalité sociale d’un pays.

Bonsoir Alex. Quel sentiment prédomine chez toi après l’élimination du Pérou ?

Bonsoir. En vérité, c’est un mélange de tristesse, d’impuissance, de résignation et de colère.


De colère ? Pourquoi ?

L’attitude de l’équipe pendant le dernier match m’a déçu... Mais je suis également énervé contre moi-même d’y avoir cru de manière illusoire, encore une fois. Je sais que nous n’avons que très peu de chances d’aller au Mondial...


Que manque t-il à la Blanquirroja pour s’affirmer parmi les royaumes latinos du ballon rond ?

Il manque deux choses, à mon avis. Premièrement, il faudrait un projet à long terme pour la sélection. Ce que je veux dire, c’est que si l’objectif est seulement d’aller au Mondial, comme c’est le cas actuellement, nous n’arriverons à rien. De plus, le fait de ne pas avoir de projet à long terme est valable pour le Pérou dans son ensemble, pas seulement pour le football. Ensuite, le Pérou a besoin de centres de formation de qualité, pour former la jeunesse. Le but n’est pas seulement d’aller au Mondial, c’est de former des sportifs et aussi un championnat national sérieux et plus fort qu’actuellement.

Que penses-tu de l’engouement populaire qu’il y a autour du football dans ton pays ?

L’Amérique latine en général est une région passionnée, qui vit intensément les choses. Le football crée beaucoup d’effervescence. Au Pérou, on ressent cette passion mais nous ne sommes pas très bons… Je ne crois pas que ce soit une raison technique qui explique cela, nous avons des footballeurs très bons. C’est plus un problème culturel et psychologique du pays en général. C’est-à-dire que le Pérou n’a jamais été bon en sport collectif, mis à part le volley où, même si nous ne sommes pas au top, nous nous débrouillons. Nous préférons les sports individuels. Je crois que c’est une question de culture. Je voudrais rajouter que Pizarro n’est pas reconnu comme il devrait l’être. Il est similaire à Messi en Argentine, il joue dans un des plus grands clubs d’Europe (Bayern Munich). Le problème est que personne ne lui donne de bons ballons parmi la sélection péruvienne. Pour autant, les gens lui demandent beaucoup et espèrent qu’il va tout faire sur le terrain. Le football, ce n’est pas ça. Vraiment, on ne reconnaît pas son talent à sa juste valeur. Tous ces facteurs influent sur le fait qu’il n’y a pas d’union dans l’équipe péruvienne, une équipe qui manque de concentration et qui prend beaucoup de buts dans les dernières minutes.

Et que penses-tu du sélectionneur sur le départ, Markarián ?

C’est un technicien intelligent, mais c’est difficile de gérer un groupe comme la sélection péruvienne. C’est une somme d’individualités divisée en deux ensembles distincts : le groupe « élite » composé des quatre stars qui jouent en Europe (Vargas, Guerrero, Pizarro, Farfán) et les autres. Je ne dirais pas qu’il y a un conflit mais plutôt une distance entre ces deux ensembles. Markarián faisait toujours jouer le groupe « élite », peu importe l’état de forme de ces joueurs. Je pense que c’était une erreur, il aurait dû privilégier le mérite, pas faire jouer certains simplement pour leurs noms. Pour moi, afin d’améliorer la compétitivité du Pérou, il faudrait un club péruvien très fort, à prendre pour base, et ajouter quelques autres joueurs à cette base. Un peu comme Barcelone en Espagne.
D’un autre coté, on doit reconnaître que durant le dernière Copa America, le Pérou s’est classé troisième, ce qui est plutôt bien. Á cette occasion, notre jeu était celui d’une petite équipe : tous ensemble et jouer en contre. Si nous essayons de jouer comme le Brésil ou l’Argentine, nous ne pourrons jamais gagner, nous devons reconnaître nos limites. Par exemple, le Venezuela, pays sans grande star footballistique, joue ainsi et est devant nous dans le groupe de qualification pour le Mondial (6e)....
Enfin, je voudrais ajouter que, pour moi, le Pérou n’ira pas non plus au prochain Mondial, en 2018. Il ne le mérite pas... Des pays comme l’Uruguay ou l’Equateur méritent plus, même si ça me fait mal de le dire. A toutes les qualifications depuis 24 ans nous finissons dernier ou avant dernier... De plus, dans 4 ans, nos stars seront vieillissantes et n’auront plus leur niveau actuel.


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Sylvain Godoc
Etudiant à Sciences Po Bordeaux en deuxième année. Actuellement en mobilité à la PUCP, Lima, Pérou.... En savoir plus sur cet auteur