Pérou : que reste-t-il du Sentier Lumineux ?

23 Août 2013



Il n’y a pas que les FARC en Amérique du Sud, le Sentier Lumineux opère encore dans les coins les plus reculés du Pérou. Deux des principaux chefs du Sentier Lumineux ont été tués au cours d’une opération surprise. Le Journal International revient sur l’évolution de ce mouvement autrefois tout puissant.


Crédits photo -- ameteo.fr
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La nouvelle a fait l’effet d'une bombe. Pas un jour ne passe sans que l'on ne puisse croiser, dans les journaux nationaux, un article ou une tribune sur ce qui s’est déroulé le 11 août. La mort de « camarade Alipio » et de « camarade Gabriel », respectivement numéros 2 et 4 de l'organisation terroriste du Sentier Lumineux, est un évènement fracassant. L'opération a été menée à Llochegua, dans le VRAEM (Vallée du Río Apurímac, Ene y Mantaro, sud-est du Pérou), par l'armée et la police.

Cette opération a permis au président Humala de voir sa côte de popularité remonter dans les sondages d’opinion. Ce dénouement a également profité à l’avancée de l’Etat de Droit péruvien. D’après Pedro Cateriano, ministre de la Défense, « ce qu'il faut retenir dans cette opération, c'est que dans une démocratie constitutionnelle respectant l’ordre juridique, le terrorisme peut être vaincu.»

Sentier Lumineux et narcoterrorisme

Avant d’aller plus loin dans l'analyse, il faut rappeler brièvement ce qu’est le Sentier Lumineux. Sendero, comme on le nomme habituellement, a été fondé à la fin des années 60 par Guzmán, un professeur de philosophie. L’organisation, à tendance maoïste-marxiste-léniniste, a utilisé le terrorisme à des fins politiques durant les années 1980 et 1990, décennies tragiques pour le Pérou, durant lesquelles plus de 70 000 victimes ont été dénombrées.

Avec le temps, l’organisation a perdu de son poids politique. Guzmán a été arrêté en 1992. Largement réduite, l'influence de Sendero n'est plus la même. Aujourd'hui, l'organisation agit seulement en tant que bras armé du narcoterrorisme dans le VRAEM. Le narcoterrorisme est un concept importé de Colombie, qui désigne la coopération et l’alliance stratégique entre la mafia du narcotrafic et les groupes armés extrémistes ou/et terroristes. L'apogée du Sentier Lumineux est bel et bien terminée.

L’analyse d’Antonio Zapata

Le 14 août, Antonio Zapata, historien péruvien, a livré une analyse pointue de ces changements dans La República. Tout d’abord, Guzmán cherchait à prendre le contrôle du pays. Pour lui, les frères Quispe Palomino, aujourd’hui à la tête du mouvement, tentent simplement de garder le contrôle d’une vallée. La seule chose qui leur importe aujourd'hui est le pouvoir local, qui pourrait leur faire profiter des ressources de coca de la région.
De plus, Guzmán et les siens étaient de véritables «politiciens». Guzmán s’imaginait déjà président. Quant aux frères Quispe Palomino, ils ne sont qu’un groupe armé. Malgré leur volonté de s’afficher comme un parti communiste, ils n’aspirent pas réellement à gouverner et n’ont aucun programme politique viable pour le pays.

L’ultime argument prouvant que le Sentier Lumineux d'aujourd'hui a changé est que l’organisation ne possède plus aucune arme lourde. Les Quispe Palomino sont une force précaire, les armes qu’ils possèdent sont uniquement celles qui ont été subtilisées à la police ou aux équipes militaires. Les attaques intentées par Sendero au cours de la dernière décennie sont de l’ordre de la guérilla et n'ont plus l'ampleur qu'elles pouvaient atteindre dans les années 1980 et 1990.

Et maintenant ?

Malgré cette bonne nouvelle pour l'Etat de Droit, il reste du chemin à parcourir. Il faut rester méfiant face à l'apparition de nouveaux leaders, même si la plupart des experts pensent que personne n’a la carrure d’Alipio, chef sanguinaire de Sendero, ancien numéro 2 de l’organisation. De son côté, le président Humala, s’est rendu dans le VRAEM et a exhorté les troupes à finir le travail en capturant « camarade José » et « camarade Raúl », respectivement numéros 1 et 3.

Mais plus qu’une action militaire, c’est une action éducative que le gouvernement doit mener car l’embrigadement continue dans les universités publiques, de plus en plus délaissées à côté du secteur privé. Par exemple, l’organisation Jóvenes del Pueblo opère de plus en plus auprès des professeurs et élèves de La Cantuta et de San Marcos afin d'encourager les jeunes Péruviens à suivre le mouvement de Guzmán.

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Sylvain Godoc
Etudiant à Sciences Po Bordeaux en deuxième année. Actuellement en mobilité à la PUCP, Lima, Pérou.... En savoir plus sur cet auteur