Québec : la corruption fait trembler les mairies de Laval et Montréal

Flaminia Bondi
7 Juillet 2013



Mardi 25 juin, Laurent Blanchard a été élu maire par intérim de la ville de Montréal, jusqu’aux prochaines élections municipales du 3 novembre. Sur fond de scandale de corruption, Laurent Blanchard est devenu le deuxième maire par intérim élu à la tête de la mairie montréalaise en l’espace d'un peu moins de six mois.


Crédit Photo -- Jacques Nadeau/Le Devoir
Crédit Photo -- Jacques Nadeau/Le Devoir
Intégrité, stabilité, expérience, indépendance et collaboration », voici les premiers mots du nouveau maire de Montréal, Laurent Blanchard. C’est bien le mot « stabilité » qui est le plus difficile à prononcer face à la succession de scandales qui ont, depuis quelque temps, bouleversé les villes de Montréal et de Laval. Blanchard devient le deuxième maire par intérim élu à la tête de la ville montréalaise en l'espace de quelques mois.

Des affaires de corruption pour l’ancien maire...

Laurent Blanchard vient tout juste de remplacer Michael Applebaum, élu en novembre 2012. Lundi 17 juin 2013, Applebaum a été arrêté pour fraude, par l’Unité permanente anticorruption du Québec (UPAC). Il fait face à 14 chefs d’accusation, dont ceux de complots et de fraudes. Ces accusations portent essentiellement sur une affaire d’autorisations et d’appuis politiques à travers deux projets immobiliers en étude, dans le quartier Côte-des-Neiges de Montréal de 2006 à 2011. Cette affaire aurait aussi impliqué Saulie Zajdel, ancien conseiller municipal du district Darlington, et ancien candidat du parti conservateur aux dernières élections fédérales.

En mars 2013, une enquête avait été ouverte par l’UPAC, suite à des informations reçues à propos de Michael Applebaum. Après son arrestation et au vu de la forte pression médiatique, le ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, ainsi que la Première Ministre, Pauline Marois, avaient fortement appuyé sa démission.

….et pour son prédécesseur !

De telles accusations font échos à celles portées contre son prédécesseur, Gérald Tremblay, ancien chef du parti politique municipal « Union Montréal » et élu maire de la ville en janvier 2002. Il a dû quitter ses fonctions le 5 novembre dernier, après avoir été accusé de l’octroi de contrats dans le domaine de l'immobilier. En lien avec la mafia, il aurait accepté en échange un financement illégal de son parti. Lors de sa démission, il a affirmé n’avoir « jamais trahit » la ville, bien que certains témoignages portés contre lui démentent cette version.

La Commission Charbonneau

Cette série d’accusations de corruption et de fraudes fait partie d’une plus grande enquête menée par la Commission Charbonneau depuis l'automne 2011. Depuis juin 2012 et le début des audiences publiques, de nombreux scandales de corruption ont fait surface. Le témoin ayant subi le plus grand nombre d'interrogatoires a sans doute été Lino Zambito, ancien entrepreneur du bâtiment et dirigeant d'Infrabec, déjà poursuivi et accusé de corruption dans ce même secteur. C’est lui qui a révélé, en octobre 2012, le financement illégal du Parti Libéral du Québec (PLQ) de Gérald Tremblay, en échange de l’octroi de contrats immobiliers à Montréal. Il s’agissait notamment de compagnies de réfection des égouts qui devaient verser 3% de la valeur des contrats obtenus au parti. Lino Zambito a également accusé Frank Zampino et Robert Abdallah - deux hommes bien connus de l’administration Tremblay - d’avoir été les principaux « chefs d’orchestre » de ce trafic d’argent, dont Tremblay avait connaissance. Reste que Montréal n’est pas l’unique « terrain de corruption » pointé du doigt par Zambito. Ce dernier a aussi porté des accusations contre Gilles Vaillancourt, ancien maire démissionaire de Laval, troisième ville du Québec.

Démissions à Laval

Le scénario a été le même dans la ville de Laval. Le maire, Gilles Vaillancourt, avait aussi annoncé sa démission le 9 novembre 2012, suite aux accusations de corruption et collusions portées à son encontre devant la Commission Charbonneau.

Vendredi 28 juin, son remplaçant, le maire par intérim Alexandre Duplessis, élu le 23 novembre 2012, a aussi annoncé sa démission. Depuis plusieurs semaines, il fait l’objet des mêmes accusations de corruption que son prédécesseur. Un nouveau scandale s'est récemment ajouté à la liste, réduisant sa réputation à néant : Duplessis aurait été dénoncé après avoir sollicité ou reçu des faveurs sexuelles d’une escort girl, fait qu'il a immédiatement nié. Selon lui, Duplessis n'aurait pas sollicité les services d'une escort girl mais aurait été victime d'une tentative d'extorsion de fonds. Sous la pression de l'opinion publique, il a quitté ses fonctions à la fin du mois de juin. Ainsi, à l’exemple de Montréal, la ville de Laval doit maintenant trouver un nouveau maire pour assurer l'intérim jusqu’aux élections municipales de novembre 2013.

Cependant, contrairement à Montréal, la ville de Laval a déjà été mise sous tutelle depuis le 3 juin. Conséquence des nombreux scandales dont ont fait l'objet les derniers occupants de la mairie : la ville est placée sous contrôle de la Commission municipale du Québec (CMQ) et ce, jusqu’à nouvel ordre. Cette mise sous tutelle prévoit l’approbation finale de la CMQ sur toutes les décisions prises par le conseil municipal. Concernant Montréal, la mise sous tutelle a été exclue par la Première Ministre Pauline Marois et par Sylvain Gaudreault, considérant les deux cas comme « différents ».

Blanchard va-t-il tenir bon ?

L’élection de Laurent Blanchard aurait, pour le moment, écarté la possibilité d’une mise sous tutelle de la ville de Montréal. Ce dernier aurait promis de vouloir « maintenir en place l’administration de la coalition jusqu’aux prochaines élections municipales ». Au vu de l’échec subit par Alexandre Duplessis, et étant donné les nombreux scandales dévoilés par la Commission Charbonneau, il serait préférable de rester méfiant vis-à-vis de telles affirmations. Si le futur reste incertain, une chose est sûre : la confiance des citoyens lavallois et montréalais envers leurs élus est de plus en plus fragile, pendant qu’ils attendent, avec lassitude, la venue du prochain scandale.

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