Qui est le Président de Madagascar ?

Jean-Baptiste Auduc
27 Octobre 2012



A Madagascar, les présidents s’enchaînent... et se ressemblent. Marc Ravalomanana et son successeur, Andry Rajoelina, partagent de nombreux points communs, dont notamment, un amour démesuré pour le pouvoir.


Andry Rajoelina
Andry Rajoelina
Andry Rajoelina a un parcours assez atypique pour un président. Il organise en effet, dans le début les années 90 à Antananarivo, les soirées « Live » où il officie en tant que DJ. Très vite, il se lance dans les affaires. En 1998, il fonde la société INJET, qui s’occupe d’impression numérique et de la gestion de panneaux publicitaires. Cette activité s’avère très fructueuse. En 2007, il rachète une chaîne de télévision qu’il renomme Viva. Celle-ci diffuse sa première émission le 26 mai de la même année. Les objectifs de la chaine sont loin des ambitions politiques qu’il affichera plus tard. L’entertainement à l’américaine semble alors être privilégié. Un bloggeur malgache décrit d’ailleurs les premières heures de la chaîne ainsi: « Le mot à retenir est ‘‘Spectacle’’». Cela n’empêche en rien Andry Rajoelina d’inviter nombre d’anciens ministres ainsi que l’ambassadeur de France, à participer à cette inauguration. Il est alors érigé par les médias malgaches en modèle pour la jeunesse. Il est beau, très jeune - 32 ans lors de l’ouverture de la chaîne - et il brille par sa réussite économique. En somme, un pur self-made-man. Avec l’ouverture de cette chaîne de télévision, Rajoelina rayonne au niveau national. Sa voix est entendue sur tout le territoire.

Une réussite avant tout financière qui est capitalisée au niveau politique

Mais l’entrepreneur ne s’arrête pas en si bon chemin. Il se lance dans la politique. Il crée le 3 novembre 2007 le mouvement Tanora malaGasy Vonona (TGV) - les Jeunes Malgaches Déterminés. A la surprise générale, il gagne les élections municipales de la capitale, Antananarivo. Il est élu maire le 12 décembre 2007. Cette victoire inquiète Marc Ravalomanana, le Président en place qui contrôlait jusqu’alors les maires de la ville. Cette fonction est primordiale. En effet, la mairie d’Antananarivo est un véritable tremplin pour l’accession à la fonction présidentielle. Marc Ravalomanana le sait bien. Elu à la mairie d’Antananarivo en 1999, il devient président de la République en 2002. Le chef de l’Etat tente donc de calmer les ardeurs d’Andry Rajoelina. Lors de leur première rencontre officielle, le Président lance un « Décroise tes jambes » au jeune maire de la capitale, qui obtempère sans broncher. Le ton est donné.

La résistance se met en place

Néanmoins, loin de se soumettre, le nouveau venu organise son réseau. Lors de sa première année à la mairie, il s’affirme politiquement et se rapproche de l’opposition malgré les menaces croissantes qui pèsent sur lui. Andry Rajoelina, dans ce processus de contestation, va alors utiliser son arme la plus puissante, la télévision. Le 13 décembre 2008, à 20 heures, Viva diffuse une interview de l’ancien Président Dider Ratsiraka, celui-là même qui fut destitué par Marc Ravalomanana. Dans cet entretien, l’ancien Président demande à la population de se soulever et de se révolter. Aussitôt, le chef de l’Etat, outré, décide de fermer Viva. Rajoelina essaye alors de mobiliser la population tananarivienne, en invoquant la liberté d’expression, et appelle à une plus grande ouverture médiatique. Durant des manifestations, notamment le 7 février 2009, de nombreux manifestants sont tués. Ce n’est que courant mars 2009 que le dénouement de l’affrontement entre Ravalomanana et Rajoelina a lieu. Andry TGV, comme on le surnomme alors, réussit avec l’appui de l’armée, à prendre le contrôle du palais présidentiel. Il est finalement investi du titre de Président de la Haute Autorité de Transition le 21 mars. Sa prise de pouvoir, considérée comme un coup d’Etat par la communauté internationale, est vue d’un très bon œil par les Malgaches. Marc Ravalomanana avait en effet cristallisé de nombreuses critiques.

Président de Madagascar de 2002 à 2009, il est en effet connu pour faire interférer affaires économiques et politiques. Il a, durant ses deux mandats, largement enrichi son entreprise Tiko - un conglomérat rassemblant une firme agroalimentaire, de BTP ou encore d’aviation -, en la favorisant sur certains marchés. De plus, deux affaires entachent son deuxième mandat. La première est l’achat, d’un Boeing 737 d’une valeur de 60 millions de dollars, à l’aide de fonds demeurant obscurs. La deuxième est la location pour 99 ans d’un million d’hectares à la société coréenne Daewoo. Or, dans la tradition malgache, la terre est considérée comme sacrée. C’est le tanindrazana, qui est inaliénable.

La rébellion contre le rebelle ?

Un Malgache sur place à cette époque nous confie, « je fais partie de ces gens qui ont soufflé en 2009, quand on a espéré que tout allait changer, mais qui sont déçus 3 ans après ». L’arrivée de Rajoelina au pouvoir laisse espérer une large partie de la population. Notre interlocuteur ajoute « je ne dirais pas que la vie était plus facile à l’époque de Ravalomanana, mais le peuple ne grognait pas comme en ce moment ». Car après trois ans et demi passés au pouvoir, le bilan d’Andry Rajoelina est loin d’être reluisant. Son but unique et incontestable reste l’organisation d’élections libres. Mais sa gestion des affaires courantes du pays est un échec. Ainsi, l’économie est en berne, d’autant que les aides internationales sont suspendues de par l’instabilité politique. L’insécurité règne, particulièrement dans le sud de l’île. Enfin, les fameuses élections, promises par la Haute Autorité de Transition, n’ont cessé d’être repoussées. Andry Rajoelina, qui ne dispose d’aucun diplôme universitaire, est en grande difficulté. En pourparlers constants avec les différentes forces politiques, il tente de mettre en place une feuille de route prévoyant les élections présidentielles pour mars 2013. Cependant, le peuple malgache peut-il encore faire confiance à cet homme qui l’a déjà trahi ? La seule réussite d’Andry Rajoelina à ce jour, demeure son maintien au pouvoir. Pour quels résultats ? La population malgache est dans l’attente, mais pour combien de temps encore ...
 

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