Réunion : la «Diagonale des Fous» prisée des coureurs du monde entier

Julien Desbuissons
29 Octobre 2013



Réputé comme étant la course à pieds la plus difficile du monde, le 25e Grand Raid de l’île de La Réunion, communément appelé «Diagonale des Fous», a clôturé la semaine dernière (17-20 octobre) la saison des courses pédestres en milieu sauvage.


Crédits Photo -- Grand Raid Réunion 2013
Crédits Photo -- Grand Raid Réunion 2013
Entre démesures physiques et prouesses sportives, le Grand Raid de l'île de La Réunion propose aux participants de traverser l’ensemble du territoire réunionnais dans des conditions extrêmes. 

Des forêts luxuriantes, des champs de canne à sucre, un coucher de soleil avec vue sur l’océan Indien ou encore découverte de trois cirques naturels, le décor paraît féérique. Et, ce cadre est proposé chaque année à près de 2200 participants, coureurs professionnels ou amateurs, dans le cadre du Grand Raid de l’Ile La Réunion. Mais, pas sûr que ces mordus de sport et de sensations fortes aient vraiment le temps de profiter d’un tel paysage. Au programme de ce rendez-vous, un menu plutôt indigeste: 170 kilomètres de course et plus de 10 000 mètres de dénivelé positif cumulé pour relier les villes de Saint-Joseph (ou Saint-Philippe selon les éditions) à Saint-Denis, la capitale. Pour faire simple, rejoindre le nord-ouest en partant par le sud-est. Cette diagonale, qui propose de traverser l’île de part en part, n’a pas d’égal dans le monde. Et ses participants sont forcément animés d’un brin de folie au moment de s’élancer. La «Diagonale des Fous» prend alors tout son sens.

Entre 23 et 66 heures d’épreuve

Mais les extravagances ne s’arrêtent pas qu’aux chiffres. La définition du parcours suffit d’elle-même pour refroidir les plus téméraires. Après l’ascension du massif du Piton de la Fournaise - un volcan actif qui culmine à 2632 mètres d’altitude -, les participants sont amenés à en découdre dans les cirques naturels de Cilaos et Mafate, en bordure du Piton des Neiges, point culminant de l’île (3070 mètres). Le passage par la forêt du Tapcal, véritable chemin de croix où s’entremêlent végétation charnue et faune sauvage, n’est pas en reste. L’arrivée, elle, se situe dans l’enceinte du stade de la Redoute, à Saint-Denis, où la foule n’hésite pas à venir en masse pour féliciter les courageux aventuriers, pour peu qu’ils arrivent dans la journée.

Pour terminer ce tracé hors du commun, il faut compter entre 23 heures - pour les plus rapides - et 66 heures, le temps limite accordé par les organisateurs. Une éternité qui les oblige d’ailleurs à donner le départ de la course le jeudi, afin qu’elle puisse se terminer au plus tard le dimanche. Disputée entre le 17 et le 20 octobre derniers, cette épreuve a été remportée par un Français, François D’Haene après 22 heures, 58 minutes et 30 secondes exactement, et près de trois heures d’avance sur ses poursuivants. Une véritable prouesse sportive. Le dernier arrivé, lui, a bouclé son exercice au terme de plus de 65 heures, après avoir parcouru les 100 derniers kilomètres à l’envers pour atténuer les douleurs dans ces deux genoux. 

Trois morts en 25 ans

Au-delà de ces réalités physiques, la course peut également prendre des tournures plus dramatiques. L’édition 2002 a notamment été marquée par deux décès tandis que celle de 2012 a vu un participant chuter dans un ravin. Mais alors, pourquoi risquer à tel point sa vie ? Le dépassement de soi et la fierté en valent-ils vraiment la peine ? Kilian Jornet, double vainqueur de l’épreuve (2010 et 2012) apporte sa réponse : «En allant doucement pour ne pas sentir la douleur, j'ai notamment pu profiter de la course au maximum, en prenant du temps pour m'arrêter aux ravitaillements. On nous sert des plats typiques de La Réunion le long du parcours, comme du cari-poulet, de la rougail-saucisse ou du pâté créole. Cela fait partie d’une ambiance que l’on retrouve nulle part ailleurs.» L’Espagnol ajoute : «J’aime aussi les deux sorties du soleil, ce sont des images qui resteront longtemps dans mes yeux. La lune rouge à l'ouest et au même moment un grand soleil qui apparaît de la mer à l'est. C’est grandiose !»

Pour organiser cet événement, un vrai chantier est nécessaire afin de baliser le chemin emprunté par les coureurs. Entre la construction des sillons pour bien diriger les écoulements d’eau, celle des murets de pierre pour éviter l’effondrement de certaines parties du parcours ou encore le déploiement des moyens de sécurité (hélicoptère qui survole de façon continue l’épreuve et médecins situés tout au long du tracé), le département de La Réunion débourse chaque année jusqu’à 3,2 millions d’euros. Face à l’intérêt croissant que revêt ce Grand Raid pour les amoureux de course extrême du monde entier, le nombre de places est limité : 1350 pour les résidents de La Réunion et un millier pour les non-résidents. Un tirage au sort par huissier détermine même les Réunionnais pouvant y participer devant la hausse des candidatures, tandis que les étrangers intéressés peuvent s'inscrire tant qu'il reste des places disponibles. Une chose paraît certaine, ils seront encore nombreux à tenter l’aventure l’année prochaine.

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