Royaume-Uni : le contrat zéro-heure, mythe ou réalité ?

30 Mai 2014



Dans un monde du travail profondément touché par la crise économique, la flexibilité et l’adaptabilité des employés face aux demandes des employeurs restent les mots clés lorsque l'on cherche un « job ». Avec seulement 8% de chômeurs, le Royaume-Uni d’aujourd’hui semble avoir trouvé la solution à tous nos problèmes… ou pas !


Crédit Alina Teodorescu
Crédit Alina Teodorescu
« Qu’est-ce qu’un contrat zéro-heure ? », « Est-il légal ? », « Qu’est-ce que ce type de contrat nous apporte ? ». Voici quelques questions qui nous viennent à l’esprit lorsque l’on entend parler de cette nouveauté qui en réalité existe depuis longtemps. Le contrat zéro-heure est né au Royaume-Uni pour répondre à l’augmentation temporaire de l’activité d’une entreprise. Consolidé par les lois de 1996 et de 1998, ce contrat ne mentionne ni de période de travail, d’où son nom de zero-hour contract, ni de salaire fixe. L’employé s’engage à être prêt à travailler selon les besoins de son employeur, avec la mention qu’il peut aussi refuser de se présenter au lieu de travail quand il n’est pas disponible. De l’autre côté, l’employeur n’est pas obligé de lui fournir du travail tous les jours. Dans le meilleur des cas, l’employé aura son planning une semaine à l’avance. Cependant, dans la plupart des cas, l’employé sait s’il a du travail (ou pas) le jour même. Le matin, vers 9h, l’employé doit passer un coup de fil à l’agence qui gère les services offerts par l’entreprise ou la compagnie qui l’a embauché. Dans un premier temps, il doit leur communiquer ses disponibilités pour la journée. Ensuite, s’il est disponible pour travailler ce jour-là, il croise les doigts et attend que l’agence le rappelle et lui propose une mission. Cela va de soi que l’employé ne sera payé que pour les heures effectuées au travail. À la fin du mois, il pourrait très bien toucher une somme égale à zéro livre ou, s’il a travaillé, avoir un salaire qui peut monter jusqu’à mille livres. Mais cela… seul l’avenir nous le dira. 

En ce qui concerne la loi britannique, le contrat zéro-heure reste tout à fait légal. La flexibilité et l’adaptabilité au travail restent ses traits importants, qui peuvent être contestés seulement par l’inexistence d’une stabilité professionnelle et matérielle. Ce type de contrat respecte les conditions du 1996 Employment Rights Act et garantit aussi aux employés d’être payés le National Minimum Wage (voté en 1998), l’équivalent du SMIC français, 6, 31 livres par heure travaillée, soit 7,79 euros. La loi de 1996 prévoit une distinction à faire entre un « travailleur » et un « employé ». Contrairement à un simple « travailleur », l’employé a plusieurs droits, comme le droit aux congés payés, aux jours d’arrêt maladie, à la sécurité sociale, etc. Cependant, une personne embauchée avec un contrat zéro-heure garde un statut assez particulier et parfois flou. Considérée plus comme un travailleur que comme un employé, une personne avec un contrat zéro-heure peut changer de « catégorie » en fonction de la relation qui existe entre son employeur et elle. 

Au Royaume-Uni, les contrats zéro-heure sont notamment utilisés par des chaînes importantes comme McDonald’s, Burger King, Sports Direct (l’équivalent du Décathlon en France) et même des institutions publiques comme Buckingham Palace. L’accueil de personnes et l’aide à domicile sont d’autres domaines qui en profitent aussi. McDonald’s a déclaré se servir de ce genre de contrat depuis 1974, car la restauration rapide a toujours besoin de beaucoup de personnel pouvant rester flexible et disponible tout le temps. Le scandale est survenu pour la première fois en 2013, lors de la constatation que 90% des employés de Sports Direct étaient en contrat zéro-heure. Si l’existence de ce contrat est loin d’être une nouveauté et si les employés en tirent avantage autant que les employeurs, pourquoi donc en faire un drame ? Et surtout, pourquoi maintenant et pas avant ?

Les avantages : The Bright Side

Si l’on analyse les contrats zéro-heure dans le contexte du marché du travail actuel, affecté par la crise et bousculé par la non-concordance entre la demande et l’offre de travail, on trouvera de nombreux avantages qui sauvent l’honneur de cette pratique peu connue ailleurs. En France, le taux de chômage a été estimé à 9,8% au mois de mai 2014, tandis qu’au Royaume-Uni nous sommes à un pourcentage de 8. Sachant qu’à peu près 1,3 million de Britanniques, soit entre 3 et 4% du marché du travail, sont estimés être embauchés en contrat zéro-heure à présent, cela prouve que l’existence d’une telle alternative permet aux chômeurs de trouver un emploi. Les gens sont également attirés par la flexibilité offerte par un contrat zéro heure. Les jeunes étudiants qui cherchent à arrondir leurs fins de mois, mais qui ne peuvent pas avoir un emploi stable ou les personnes âgées qui veulent se rendre utiles sans être obligées de beaucoup travailler vont facilement profiter de l’existence de ce mode de travail. James, étudiant anglais en troisième année à Londres, nous raconte sa propre expérience : « L’année passée, j’ai travaillé en contrat zéro-heure à Londres. C’était dans le domaine de la restauration. J’ai trouvé la flexibilité de mon emploi du temps particulièrement attirante, car j’avais le choix de travailler quand j’étais disponible. De plus, on nous demandait d’assurer la restauration lors de divers événements organisés à Londres, ce qui voulait dire que l’on avait aussi la possibilité de ne pas travailler toujours au même endroit. Je trouve que ce type de contrat est vraiment utile pour les étudiants qui doivent se concentrer surtout sur leurs études. »

En effet, pouvoir renoncer à une journée de travail parce que l’on a des imprévus ou parce que l’on ne se sent pas bien sans devoir fournir des explications supplémentaires est un grand plus du contrat zéro-heure. Cette flexibilité motive même les personnes sans emploi qui ont des enfants à charge et qui souhaitent avoir un boulot à long terme, sans avoir à respecter des contraintes liées aux horaires ou aux heures de travail imposés. « L'aspect le plus important est que le contrat zéro-heure fait travailler les gens, même si c’est pour une période temporaire et en horaires réduits » ajoute James en parlant des avantages des employés embauchés sous ce type de contrat.

Le troisième point lorsque l’on discute des côtés positifs du contrat zéro-heure concerne la liberté d’action apportée aux employeurs. Grâce à la mise en place d’un tel outil, les entreprises qui sont confrontées à des problèmes d’ordre économique ont gagné le droit de limiter leur besoin de personnel. En adoptant des horaires réduits (Eng. condensed hours), ces employeurs peuvent sauver leur peau face à la crise économique. Cela va leur permettre de réduire les coûts de fonctionnement de l’entreprise en question : la consommation d’électricité, les dépenses de production. De plus, les entreprises qui se retrouvent dans une telle impasse peuvent demander à leurs employés de venir au travail seulement quand ils ont besoin de leurs services. Si la demande de production augmente, l’offre de produits de l’entreprise devra augmenter aussi. Par conséquent, les employés seront appelés pour travailler plus. 

Les désavantages : The Dark Side

On pourrait donc être amenés à croire que l’existence d’un tel contrat facilite la vie de tout le monde au Royaume-Uni. Malheureusement, la réalité fait fondre l’image idéale promue par ces contrats. Même si techniquement, les entreprises peuvent embaucher du personnel plus facilement grâce au contrat zéro-heure, elles peuvent aussi s’en débarrasser plus rapidement. De plus, ce contrat peut stipuler que la personne embauchée n’a pas le droit de travailler pour une autre entreprise, ce qui veut dire que si jamais la personne concernée ne reçoit aucune heure de travail par mois, elle ne pourra pas essayer de trouver un autre emploi en même temps que celui qu’elle a déjà. 

En revenant au sujet des disponibilités, on constate que les employés ont le droit de refuser de travailler tel jour précisément. Cependant, cela ne leur garantit pas qu’ils travailleront le lendemain ou quand ils seront disponibles de nouveau. Les personnes qui ont une famille à charge et qui se basent sur cet emploi pour avoir un revenu suffisamment grand à la fin du mois n’ont aucune garantie pour pouvoir planifier leurs dépenses. Le manque de certitude financière rend cette apparente solution au chômage assez ambiguë. Il faut se rappeler qu’au Royaume-Uni, il y a plus de travailleurs pauvres que de pauvres qui ne travaillent pas. Les contrats zéro-heure offrent aux gens l’opportunité de se voir de nouveau insérés dans le monde du travail, mais à quel prix ? Amy, étudiante en dernière année, pense qu’ « un contrat zéro-heure peut-être attirant pour un étudiant, mais les personnes qui comptent sur cet emploi pour survivre doivent se sentir confrontés à une situation de stress continu. »
Crédit Muriel Epailly
Crédit Muriel Epailly

La raison principale pour laquelle l’existence des contrats zéro-heure a fait polémique est la possible exploitation des employés engendrée par les clauses comprises ou plutôt non-comprises dans son contenu. Mis à part l’insécurité financière et l’impossibilité d’avoir un planning fixé à l’avance, on parle aussi de certains aspects choquants qui ne sont pas pris en compte par ce contrat. Les employés concernés par un tel emploi ne bénéficient pas de congés payés ou de jours d’arrêt maladie payés. De plus, ce contrat rend aussi le licenciement des salariés plus facile et risque d’entraîner des abus. Si l’employé ne se plis pas aux attentes de l’employeur, ce dernier peut ne plus lui attribuer des heures de travail sans le licencier. Le résultat : l’employé en question ne gagnera plus rien à la fin du mois, mais se trouvera dans l’impossibilité d’aller au Pôle Emploi et de demander d’être au chômage étant donné qu’il a signé un contrat de travail qui semble être toujours valable. 

Dimension politique : le réveil dans la réalité

Lors de sa campagne électorale de 2010, le Parti Conservateur promettait de soutenir une économie libérale, ce qui implique l’encouragement des pratiques comme les contrats zéro-heure. À gauche, le Parti Travailliste d’Ed Miliband ne se positionne pas en étant pour la suppression de ces contrats, mais pour leur réglementation. Si l’on reste objectif, on découvrira que les contrats zéro-heure restent une manière de travailler à l’anglaise qui a ses hauts et ses bas. 

« Je suis pour l’existence des contrats zéro-heure à condition que la législation en vigueur protège aussi les droits de ces travailleurs » énonce James, un étudiant de Londres. Amy, moins impressionnée par les résultats de cette astuce du marché du travail anglais, partage les mêmes idées : « Les étudiants réussissent à profiter de ce système plus que les personnes adultes qui acceptent ce genre d’emploi comme leur seule source de revenus mensuels. Le gouvernement doit protéger davantage ces personnes contre les abus des employeurs qui cherchent à augmenter leurs profits, sans penser aux conséquences que cette situation aura sur leurs employés. » Avec les élections qui auront lieu en 2015, nous pouvons espérer voir ce que les gens pensent vraiment de ces approches économiques et ce que le gouvernement sera prêt à mettre en place pour faire avancer l’économie, sans oublier le bien-être de la société ! 

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Madalina Cretu
Jeune fille née sur les terres de Dracula, originaire de Roumanie et venue à Lyon pour vivre la vie... En savoir plus sur cet auteur