Slovaquie : le printemps présidentiel changera-t-il la donne ?

2 Août 2013



« Croyez-moi, ce sujet ne m’intéresse pas actuellement. » Telle est la réponse systématique du premier ministre actuel, Robert Fico, quand la question de sa candidature éventuelle lui est posée. Depuis la victoire écrasante de son parti en 2012, il est à la tête du premier gouvernement non pluraliste dans l’histoire post-communiste du pays.


Robert Fico | Crédit Photo -- aktuality.sk
Robert Fico | Crédit Photo -- aktuality.sk
Depuis sa victoire écrasante en 2012, le parti « Direction - social-démocratie » (SMER-SD) continue à dominer les sondages d’opinion. Cela, en grande partie, grâce à la désunion de la droite slovaque, après la chute du dernier gouvernement d’Iveta Radičová. Battue sur tous les fronts pour le moment, et victime d'une baisse constante de sa popularité, consommée par les querelles internes, la droite n’a qu’un faible espoir de resurgir comme de remporter l’élection présidentielle et de changer la tendance sociale-démocrate du pays.

La Slovaquie est une république parlementaire, le président y joue traditionnellement un rôle davantage représentatif, il est le gardien des institutions. Pourtant, dans le contexte politique actuel, il n’est pas exclu que cette élection secondaire devienne un champs de bataille symbolique. Pour la droite morcelée et sans perspective, une victoire remportée face aux forces socialistes dominantes est inespérée.

Sur le front de droite, un fleurissement inefficace des candidats

Contrairement à l'adage, le nombre ne constitue plus une force quand quatre des cinq candidats officiels à l'élection sont du même bord politique, tous originaires de la droite slovaque. Le Mouvement chrétien-démocrate (KDH) - actuellement le parti le plus « fort » de la droite slovaque - est, à lui seul, le berceau de trois candidats. Seul le plus modéré bénéficie de soutien officiel du KDH. Les deux autres, l’ancien premier ministre Ján Čarnogurský et un avocat-expert du droit constitutionnel, Prochádzka âgé seulement de 41 ans, sont plus radicaux se présentent en tant que candidats citoyens. Pour que l’émiettement des votes des électeurs de la droite soit total, le parti euro-sceptique libéral a, de son côté, paradoxalement soutenu la candidature d’un conservateur, Osuský.

Ainsi, pour l’instant, la droite propose quatre candidats conservateurs au profil très semblable, ayant toute la peine du monde à réussir l'entreprise de rassembler leur électorat derrière un seul et unique candidat. Les partis temporisent, hésitent à manifester ouvertement leur soutien, ce qui crée un sentiment de confusion. Seul l’Union démocrate et chrétienne slovaque (SDKÚ) a trouvé les mots pour exprimer la pensée générale en déclarant que « de toute façon face à gauche, il ne reste qu’à espérer le retour de Iveta Radičová ». L’ex Première ministre, charismatique, a proné un discours de transparence. Elle s‘est retirée de la vie politique peu de temps après la chute de son gouvernement à l'automne 2011. Une chute au goût amer, sous fond d'échec et de trahison personnelle. Pourtant, d’après les commentateurs, elle reste la seule candidate qui a suffisamment de crédit et de potentiel pour affronter le candidat de la gauche - dont l'identité est toujours inconnue.

Sur le front de gauche, une absence parlant du candidat

Selon les derniers sondages, le SMER-SD bénéficie du soutien de plus de 47 % des électeurs. Il demeure ainsi la force politique dominante de l’échiquier politique slovaque. Une force qui pour l'instant « se tait ». Il n'a pas de candidat officiellement déclaré. L'élection peut se résumer à une simple question : Robert Fico, le Premier ministre actuel, se représentera-t-il ? Auquel cas, vu l’offre actuelle des candidats, il n’aura pas de concurrence. Reste que plusieurs commentateurs le considèrent comme fatigué par ses 20 ans de politique et ses deux mandats de Premier ministre en temps de crise. D’où sa volonté supposée d’accéder à un poste à moindre responsabilité et à moindre exposition médiatique. Quel meilleur retrait de la vie politique active peut-il imaginer ? Peut-être souhaite-t-il éviter à tout prix le sort de ses prédécesseurs – Vladimír Mečiar et Mikuláš Dzurinda – qui ont fait le mandat de trop. 

La Slovaquie vouée à la présidentialisation ?

Même si l’élection au suffrage directe du Président existe depuis l’indépendance, ce mode de scrutin s'est traduit par un pouvoir exécutif faible et un rôle essentiellement symbolique. Or, avec un candidat tel que Robert Fico, il n’est pas exclu que la coutume constitutionnelle puisse changer. Depuis les dernières éléctions, il ne manque à Fico que 7 députés pour amender la Constitution. 

Si la question de la présidentialisation pure et dure n'est pas encore explicitement à l’ordre du jour, la mise en place du schéma « Poutine-Medvedev » demeure une alternative bien plus simple à réaliser. Ainsi, l’accession à la fonction présidentielle pourrait améliorer les perspectives de Robert Fico, le laissant au centre du jeu politique et lui permettant de jouir intelligemment de son potentiel politique. Une réelle mobilisation de la droite semble seule à même d'éviter la prise de pouvoir de Fico. Mais leur défaite à venir devrait leur asséner un coup suffisamment violent pour permettre une reprise du dialogue. Si tel était le cas, seule Iveta Radičová aurait éventuellement le potentiel pour faire jeu égal avec Robert Fico. Enfin, l'improbable défaite de ce dernier sonnerait le glas et la fin de sa carrière politique.

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