Suède, mais quelles ordures ?

22 Avril 2013



La Suède, le pays « hyper » écologique, dont un million de foyers marchent à l’électricité générée par les déchets, fait face aujourd’hui à un dilemme : elle n’a plus assez de combustible.


Cette usine de retraitement incinère 20 tonnes de déchets par heure.
Cette usine de retraitement incinère 20 tonnes de déchets par heure.
La Suède, 3e pays le plus développé au monde selon les Nations Unies, a un problème extraordinaire. Ses 9,5 millions d’habitants recyclent avec une telle rigueur qu’elle manque d’ordures pour alimenter ses usines d'incinération qui génèrent de l’électricité. Contre le reste de l’Europe, qui recycle en moyenne 38 % de ses déchets, la Suède divertit (recycle/composte/incinère) 96 % de ses ordures produites.

En détail, 36 % de leurs déchets sont recyclés, 14 % compostés, et 49 % incinérés, soit le plus haut taux dans l’Union européenne après le Danemark, qui incinère plus de 54 % de ses ordures. Autrement dit, presque la moitié des déchets suédois brûlent dans les incinérateurs, ou dans des « centres de valorisation énergétique » de plus en plus performants. Cette combustion des ordures produit aujourd’hui suffisamment d’énergie pour alimenter 20 % du chauffage urbain du pays, soit 810 000 foyers, en plus d’alimenter l’approvisionnement d’électricité pour 250 000 foyers, parmi 4,6 millions de ménages.

Le problème, si l’on peut le qualifier ainsi, c’est que la Suède est trop « volontaire » à trier ses déchets, trop performante dans ce domaine. Ses capacités d’incinération s’avèrent bien supérieures à ses 2 millions de tonnes de déchets produits chaque année. Afin de faire tourner ses usines et éviter de perdre de l’argent, Stockholm a par exemple, décidé d'importer 800 000 tonnes d’ordures chaque année, en provenance de plusieurs pays européens - pour l'instant, essentiellement en provenance du voisin norvégien.

En dépit du fait que le prix de l’incinération en Norvège est encore trop élevé pour qu’ils soient rentables pour celle-ci, l’échange est en vérité largement en faveur de la Suède. La Norvège paye la Suède pour prendre ses déchets, la Suède les brûle pour la chaleur et l’électricité, et les cendres toxiques qui restent sont réexportées aux décharges de Norvège. En somme, la Suède gagne de l’argent et de l’énergie, alors que la Norvège reprend les vrais « déchets ».

Bravo, la Suède

Par ailleurs, la Suède est-elle aussi propre qu'elle se plaît à le laisser paraitre ? Il est évident que l’incinération des déchets à grande échelle pose la question logique des émissions polluantes et de leurs dangers. Dans l'ensemble, la Suède fait tout pour présenter un « casier vierge ». Depuis les années 80, L’État suédois a instauré une réglementation stricte en limitant ses émissions, entraînant leur réduction d’environ 90 %. Par exemple, les émissions de chlorure d’hydrogène (HCl), un gaz incolore toxique et corrosif, ont été fortement réduites, passant de 8 400 tonnes émises en 1985 à 60 tonnes en 2007. Les émissions d'oxydes de soufre (SOx) – principale cause des pluies acides - sont ainsi passées de 3 400 à 196 tonnes. Quant à elles, les émissions de plomb ont été plus que réduites passant de 25 000 kg à 51 kg par an.

Toutefois, les émissions d’oxydes d’azote (NOx), regroupant le monoxyde d’azote (NO) et le dioxyde d’azote (NO2), restent élevées, ayant des impacts coupables sur l'environnement : effet de serre, acidification de l’air, pluies acides... Les émissions d’oxydes d’azote (NOx) s'élèvent encore à 2 100 tonnes en 2007, contre 3 400 en 1985.

Il est vrai que ce n’est qu’une petite critique à adresser au 74e pollueur mondial en termes de CO2. Or, le jour où la Suède baissera ses émissions des oxydes d’azote, peut-être que ces heureux éboueurs tourneront leur regard au Vortex de déchets du Pacifique Nord. Une perspective qui répondrait à leurs besoins nationaux, et qui sait, qui pourrait résoudre le problème de la gestion des ordures à l'échelle mondiale.

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Jane Zhang
Rédactrice au sein du Journal International depuis 2012, je suis une étudiante canadienne en... En savoir plus sur cet auteur